Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/573

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tent de faire. On emploie même la violence pour faire exécuter ces règlements ; on force les ouvriers de quitter leurs boutiques, lors même qu’ils sont contents du salaire qu’ils reçoivent. On veut dépeupler les ateliers et déjà quelques ateliers se sont soulevés, et différents désordres ont été commis.

« Les premiers ouvriers qui se sont assemblés en ont obtenu la permission de la municipalité de Paris. À cet égard, la municipalité paraît avoir commis une faute. Il doit sans doute être permis à tous les citoyens de s’assembler ; mais il ne doit pas être permis aux citoyens de certaines professions de s’assembler pour leurs prétendus intérêts communs. Il n’y a plus de corporations dans l’État, il n’y a plus que l’intérêt particulier de chaque individu et l’intérêt général, il n’est permis à personne d’inspirer aux citoyens un intérêt intermédiaire, de les séparer de la chose publique par un esprit de corporation.

« Les assemblées dont il s’agit ont présenté, pour obtenir l’autorisation de la municipalité, des motifs spécieux ; elles se sont dites destinées à procurer des secours aux ouvriers de la même profession, malades ou sans travail ; ces caisses de secours ont paru utiles ; mais qu’on ne se méprenne pas sur cette assertion : c’est à la nation, c’est aux officiers publics, en son nom, à fournir des travaux à ceux qui en ont besoin pour leur existence, et des secours aux infirmes. Ces distributions particulières de secours, lorsqu’elles ne sont pas dangereuses par leur mauvaise administration, tendent au moins à faire renaître les corporations ; elles exigent la réunion fréquente des individus d’une même profession, la nomination de syndics et autres officiers, la formation de règlements, l’exclusion de ceux qui ne se soumettraient pas à ces règlements ; c’est ainsi que renaîtraient les privilèges, les maîtrises, etc., etc.

« Votre comité a cru qu’il était instant de prévenir ce désordre. Ces malheureuses sociétés ont succédé à Paris à une autre société qui s’y était établie sous le nom de Société des Devoirs (compagnonnage). Ceux qui ne satisfaisaient point aux devoirs, aux règlements de cette société, étaient vexés de toutes manières. Nous avons les plus fortes raisons de croire que l’institution de ces assemblées a été stimulée, dans l’esprit des ouvriers, moins dans le but de faire augmenter, par leur coalition, le salaire de la journée de travail, que dans l’intention secrète de fomenter des troubles.

« Il faut donc remonter au principe, que c’est aux conventions libres, d’individu à individu, à fixer la journée pour chaque ouvrier ; c’est ensuite à l’ouvrier à maintenir la convention qu’il a faite avec celui qui l’occupe. »

Comment l’ouvrier pourrait-il, isolé, maintenir ce salaire contre la volonté patronale, Le Chapelier néglige de nous le dire et se borne à émettre des vœux pour que les salaires ne tombent pas jusqu’à « la privation des objets de première nécessité ».