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fait que ses outils qui étaient, il est vrai, de petits chefs-d’œuvre. Les vaincus accusèrent leur champion de trahison et de s’être vendu aux dévorants ; il quitta Marseille et se cacha avec un tel soin qu’on ne sut pas ce qu’il était devenu. Ce concours engendra de nouvelles batailles.

On comprend mieux maintenant, après le simple rappel de ces quelques faits déplorables, pourquoi le compagnonnage inquiétait peu Napoléon, et comment il put, malgré les lois, se perpétuer presqu’ouvertement et échapper aux persécutions administratives et policières. C’est que ce ne pouvait pas être, aux mains du prolétariat, un instrument efficace d’émancipation.

L’AGRICULTURE

Pour l’agriculture comme pour l’industrie, nous allons trouver quelques contradictions évidentes entre l’optimisme des rapports officiels et la réalité des choses ; mais il nous faudra conclure pourtant en toute loyauté que la période napoléonienne fut, dans son ensemble, plutôt favorable à la prospérité agricole de la France.

Cette prospérité, d’ailleurs, est moins le résultat de l’intervention impériale que des circonstances antérieures et aussi des progrès réalisés alors dans la science de la culture.

« Personne ne saurait contester le progrès de l’agriculture en France depuis 30 ans, disait en 1810 le ministre de l’Intérieur, comte de Montalivet : l’aisance est plus généralement répandue, l’habitant des campagnes est presque partout devenu propriétaire : il avait peine à fournir à ses premiers besoins, aujourd’hui il connaît des jouissances. Les prairies artificielles, l’amélioration et la multiplication des engrais, le changement des assolements l’introduction de plusieurs plantes oléagineuses, la propagation des mérinos ont enrichi la France ! »

Plus tard, Chaptal renchérissait aussi sur ces constatations optimistes et il attribuait presque aux mêmes causes une telle prospérité.

« La culture des prairies artificielles, disait-il, a fait les plus grands progrès et a enrichi l’agriculture : elles fournissent une nourriture abondante aux troupeaux, permettant d’en élever davantage et par conséquent d’augmenter la fumure. »

Et plus loin :

« Le nombre prodigieux de mutations qui ont eu lieu dans les propriétés et la création d’un plus grand nombre de propriétaires ont contribué à l’amélioration de l’agriculture : le propriétaire nouveau soigne sa culture avec ardeur. Là où des propriétés d’une immense étendue suffisaient à peine à nourrir une famille, les événements ont fait opérer le partage, tout a été rendu à la culture et les récoltes ont décuplé. »

Et notons en effet que l’un des bienfaits les plus évidents de la transfor-