Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/584

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un heureux concours de circonstances favorables, l’agriculture ait été, pendant la période impériale, incontestablement prospère.

Chaptal nous fournit quelques chiffres qu’il convient de recueillir :

« En 1808, dit-il, la récolte du vin est de 35 millions 1/2 d’hectolitres produits par 1 613 939 hectares plantés en vigne.

« Sur les 52 millions d’hectares qui constituaient alors la superficie de la France, on comptait 23 millions d’hectares de terres labourables, 3 millions 1/2 en pâturages, autant en prés ; environ 4 millions sont terres vagues, landes et bruyères ; 7 millions d’hectares sont occupés par les bois. »

La culture du lin avait augmenté et occupait environ 40 000 hectares. 100 000 hectares étaient ensemencés en chaume ; enfin, la betterave en occupa bientôt environ 100 000 également.

Nous avons vu plus haut, en effet, avec quel enthousiasme Napoléon avait accueilli l’invention de Delessert qui venait de découvrir le moyen de tirer du sucre de la betterave et comment l’empereur, enchanté à la perspective de n’être plus, pour cette denrée, tributaire de l’Angleterre, encouragea la culture de la betterave et la fabrication du sucre.

Qu’on nous permette d’y revenir en citant l’intéressant rapport adressé le 23 mars 1811 par le ministre de l’Intérieur Montalivet à « Sa Majesté l’empereur et roi ».

« Sire,

« De grands résultats et des succès inattendus doivent dans tous les genres signaler le règne de Votre Majesté : l’Industrie française se fait notamment remarquer par d’importants efforts, et cette époque si célèbre dans les fastes de l’histoire des nations pour l’art militaire et pour la politique, le sera aussi pour les arts utiles auxquels Votre Majesté aura donné la naissance et par ceux dont elle aura fixé le progrès. L’industrie agricole surtout, si favorisée par le sol et par le climat, s’est montrée jalouse de seconder vos projets généreux pour l’affranchissement du continent ; déjà à la voix de Votre Majesté, elle a commencé à faire naître le coton, dont la manutention venait d’être portée en France à un haut degré de perfection. Déjà le pastel renaît sur le sol qu’il enrichissait du temps de nos ancêtres et l’art d’en extraire l’indigo sort d’un long et profond oubli. Enfin, le sucre dont l’habitude a fait un besoin, était encore l’objet d’une immense exportation de numéraire ; le sirop de raisin fabriqué à l’envi sur tous les points de la France a procuré une substance sucrée jusqu’alors inconnue et qui, dès cette année, a diminué, d’une manière notable, l’emploi de ce sucre des colonies dont nos ennemis croyaient toujours nous faire payer le tribut. Un effort plus grand encore restait à faire. Votre Majesté a voulu qu’on trouvât, en France même, un sucre indigène qui remplaçât celui des colonies, elle a désiré que ce sucre fut aussi savoureux, aussi commerciable que celui de cannes et