Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/597

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

née du 13. Napoléon méditait sur les résolutions auxquelles il devait s’arrêter ; il venait d’apprendre la retraite de Marmont, demeuré en arrière et pressé par Blücher qui se dirigeait sur Champaubert et Montmirail. Il n’y avait pas de temps à perdre. L’empereur s’éloigna de Château-Thierry, et fut à Montmirail le 14 au matin ; il brusqua l’attaque dans la plaine de Vauxchamp, où venait de s’engager l’armée de Blücher. L’empereur, aidé de Marmont et de Grouchy, commandant lui-même la garde, fait enfoncer les carrés ennemis. Les Prussiens sont cernés de toutes parts et attaqués avec furie. Malgré l’infériorité numérique de nos troupes et la résistance habile et valeureuse de l’armée de Silésie, la victoire est complète et les bandes ennemies mises en déroute, incapables de lutter plus longtemps, se retirent précipitamment sur Châlons.

Ces victoires successives avaient transformé le moral des troupes ; mais il n’y fallait, hélas ! pas voir le présage de la paix. La lutte ne faisait pour ainsi dire que commencer. La défaite infligée à Blücher par l’empereur ne permit pas à ce dernier une poursuite qu’il eût souhaité tenter. Il fallait aussi que les Français se repliassent en hâte sur Paris, que l’armée de Schwartzenberg s’efforçait de gagner précipitamment. On annonçait en même temps à l’empereur le mouvement rétrograde d’Oudinot et de Victor, refusant sagement le contact avec l’armée de Bohème. Il importait donc d’organiser et de réunir sans retard ces divers contingents, que leur cohésion seule pouvait, dans cet instant critique, avantager un peu. Napoléon le comprit parfaitement et n’attendit pas : le 16, il fut à Guignes, près de Meaux, où il réunit aux corps d’Oudinot, de Victor et de Macdonald la garde impériale. Le lendemain, Napoléon fait prononcer contre l’armée de Bohême un mouvement offensif fort heureux : la division russe de Pahlen est écrasée par Victor ; vingt-quatre heures après, deux divisions wurtembergeoises de Schwartzenberg sont culbutées par Gérard, tandis qu’Oudinot et Macdonald contraignent plusieurs contingents ennemis à une retraite rapide. Là encore, l’armée de Napoléon vient d’accomplir des prodiges de valeur qui ne laissent pas d’angoisser les chefs de la coalition.

Le 23 février, menacés par l’empereur, qui brûlait d’engager contre eux une action décisive, incertains sur l’issue d’une rencontre, et très insuffisamment protégés par leurs positions, les Austro-Russes, sous Schwartzenberg, firent prudemment retraite, refusant ainsi à Napoléon le contact qu’il cherchait. L’empereur réoccupa Troyes, le 24, aux applaudissements de la population.

Les alliés décidèrent dès le lendemain, à l’issue d’un conseil de guerre, que l’armée de Bohême se retirerait dans la direction de Langres et que l’armée de Silésie, accrue des contingents de Bülow et de Wintzingerode, qui avaient appartenus jusque là à l’armée du Nord, sous Bernadotte, continuerait la marche sur Paris, sous le commandement de Blücher.

Cette tactique audacieuse, à laquelle on reconnaît l’ordinaire impétuosité