Page:Jaurès - Histoire socialiste, VII.djvu/106

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tre des finances, pouvant avoir quelque velléité de soustraire sa fonction à tout examen, il créa, au contraire, tous les rouages de ce contrôle. Voici comment.

La Charte avait laissé dans l’ambiguïté toutes les questions touchant l’examen du budget. Le budget serait-il annuel ? On ne le savait et on dut le dire par déduction à cause de l’article qui prévoyait que « l’impôt foncier serait voté tous les ans ». Le seul texte clair était celui qui accordait à la Chambre des représentants la priorité pour le vote des contributions et cet article est encore appliqué. Mais l’article 46 semblait enlever tout droit à la Chambre de discuter quoi que ce soit, car il interdisait d’amender et ne reconnaissait ce droit qu’au roi. Or comment discuter un budget si l’on n’amende pas  ? Il faut donc le voter en bloc dans ses recettes et ses dépenses ; ainsi avait lieu le vote.

Ce sera l’honneur du baron Louis d’avoir tranché le débat en faveur du droit parlementaire. Dès 1814 il avait dit aux députés « Votre fonction première sera de reconnaître l’étendue des besoins du budget de l’État et d’en fixer la somme. Votre attention se portera ensuite sur la détermination des moyens. Les éléments dont la réunion forme le montant de chacun des crédits ministériels seront soumis à votre vérification. » Ainsi le droit était reconnu à la Chambre de fixer les dépenses. Peu à peu l’habitude se prit de les fixer par spécialités. C’est en 1815 le baron Louis qui l’établit en déclarant que le droit de la Chambre était de suivre « l’emploi des subsides votés afin qu’ils ne soient pas détournés de leur destination » ; un peu plus tard, la Chambre qui remplace, en 1815, la Chambre des Cent-Jours se donne le droit d’amender le budget, ou du moins le reconnut à sa commission du budget. Restait la question de savoir si elle-même aurait ce droit remis à chacun de ses membres : en 1819 elle trancha ce problème à l’avantage du droit parlementaire. M. de Marcellius demandait un crédit pour créer des croix de Saint-Louis : le gouvernement résistait, mais la majorité l’emporta.

Voilà l’origine, pour les députés, du droit d’accroître un crédit, droit atténué de nos jours, comme on le sait.

C’est donc dans cette Chambre brouillonne et violente que naquit le droit parlementaire le plus haut et qui est la garantie de tous les autres. Mais il faut bien noter l’intention des partis en présence. La majorité de la Chambre était ultra-royaliste et entendait se servir de toutes les armes, y compris l’arme du budget, pour détruire les institutions politiques de l’Empire et créer des institutions nouvelles. Dans ce sombre élan vers le passé elle était arrêtée par le roi, le gouvernement, la minorité libérale. Et voilà comment, ce sont les libéraux qui se sont opposés à toutes les mesures de contrôle réclamées par les ultras ! Les libéraux ne jugeaient que l’intention rétrograde et n’apercevaient pas l’acte. L’avenir a ramassé sur le cadavre