tin. Il était trop tard pour l’empereur dont le génie militaire avait besoin, pour prendre son essor, de s’appuyer aux réalités vivantes qui, maintenant, faisaient défaut. C’était peu de chose que l’armée de Paris, presque un fantôme errant sur les remparts ébréchés. Et par-dessus tout manquait la grande âme à qui la défaite souffle un enthousiasme héroïque. Où était-elle, en ces tristes journées d’humiliation, la grande âme de Paris ? Où était le Paris des enrôlements volontaires, où étaient sa flamme, son courage et son orgueil ? Où était la France ? Napoléon, qui a dû poser la question, a dû entendre la réponse, et le million d’hommes que son geste de conquérant avait fauchés a dû défiler, en un éclair sinistre, devant sa mémoire…
Marmont avait donc signé la suspension des hostilités. Pour lui, la dualité effroyable des devoirs allait maintenant commencer. Chef militaire, il avait gagné des heures pour permettre à l’empereur, dont des émissaires annonçaient l’approche, de venir saisir d’une main souveraine les responsabilités dernières. Dans l’effroyable tourmente de fer et de feu qui menaçait de déraciner Paris, il avait arrêté une suspension d’armes. Mais la trêve était de courte durée et le canon devait, dès minuit, à nouveau retentir. Que faire ? Attendre ? Mais l’heure courait, courait avec les contradictions ironiques du temps, courait pour lui, Marmont, avec une rapidité meurtrière, tandis que pour Napoléon, en carriole de poste sur la route de Paris, les lentes et mortelles minutes à peine se succédaient. Et puis, il subit le contact de la ville, la vue des habitants, entendit leurs plaintes. Il entendit les doléances adroites du commerce, de la finance, et les arguments ingénieux de la haute banque surent, par la bouche de MM. Laffitte et Perregaux, trouver le chemin de son cœur. Cependant, que faire ? Qu’un chef militaire, submergé pour ainsi dire par le destin, signe une suspension d’hostilités, cela est possible. Qu’un chef militaire signe même une capitulation purement militaire, cela encore est dans son droit, opprimé par la force. Mais pouvait-on se faire illusion sur la portée politique de la capitulation de Paris ? Ce n’était pas seulement la ville ouverte à l’ennemi, c’était le trône, c’était l’Empire qui étaient livrés… Cependant, l’heure courait : sur les hauteurs de Paris, la mort, la mort, encore la mort se dressait. Au bas, toutes les rumeurs tour à tour grondantes et adulatrices, la menace, la prière, le sentiment, l’intérêt, les hommes du monde, les hommes d’affaires, tout ce qui cherchait en la paix le repos, le plaisir, le luxe, tout fut pour Marmont une intolérable contrainte. Dans cette ville, tout ce qui possédait désirait secrètement la paix, et, puisque la paix dépendait du succès des armes ennemies, souhaitait l’abominable triomphe : l’armée épuisée, le peuple silencieux, la bourgeoisie et l’autocratie impériale ardemment attachées à la capitulation, tel était le spectacle qui s’offrait à Marmont.
« Je ne suis pas le chef du gouvernement, disait-il.