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CHAPITRE VIII


LE MINISTÈRE DECAZES


La session 1819-1820. — La pension de M. de Richelieu. — La Chambre des Pairs combat le ministère. — M. Decazes lui répond en nommant 64 pairs nouveaux. — Succès du Cabinet à la Chambre. — La loi électorale maintenue. — La loi sur la presse votée. — Évolution vers la droite de M. de Serre. — Rupture avec les libéraux. — Le cabinet divisé. — Il souffre les missions cléricales à l’intérieur. — Poursuites de presse devant le jury qui acquitte. — Élections de septembre 1819. — Le conventionnel Grégoire élu dans l’Isère avec l’appoint des ultras. — Colère de la Cour. — M. Decazes veut reprendre la loi électorale. — Démissions de Gouvion-Saint-Cyr, Louis, Dessolle. — Grégoire est exclu après un violent débat. — Meurtre du duc de Berry. — Exploitation théâtrale de cette mort. — Violentes accusations contre M. Decazes. — M. Decazes multiplie les projets rétrogrades. — Ultimatum de la famille royale. — Le roi cède : départ de M. Decazes pour l’ambassade de Londres. — Jugement sur son rôle.


C’est seulement le 28 janvier 1819 que s’ouvrit cette session où tant de colères devaient se rencontrer. Un incident initial montra toute l’étendue de cœur et d’esprit des ultras exaspérés par de cuisantes et successives défaites. M. Delessert avait pris l’initiative d’une proposition tendant à remettre un majorat de 50 000 francs de revenus à M. de Richelieu qui était pauvre ; en fait, il vivait du produit des diamants par lui reçus des souverains, et dont ses sœurs, auxquelles il les avait tendrement donnés, avaient opéré à son profit la vente. Ce majorat devait être pris sur les biens de la couronne. La proposition était maladroite à un double point de vue : d’abord, au point de vue politique, les indépendants étant les adversaires des majorats ne pouvaient les consacrer ; ensuite, au point de vue juridique, les biens de la couronne étant inaliéniables pendant toute la durée du règne. Deux oppositions se rencontrèrent donc sur cette proposition : celle de Manuel et celle de Villèle. Manuel montra l’immoralité du majorat, rompant dans la famille l’égalité des partages, et permettant au titulaire de frustrer ses créanciers. Villèle déclara qu’on ne pouvait lever l’inaliénabilité par une loi et tous deux avaient raison. Le débat traîna sans dignité, sans ampleur, d’autant plus douloureux pour M. de Richelieu qu’il n’avait rien demandé. Enfin M. Courvoisier mit d’accord les royaliste et les indépendants en proposant de rendre les biens du majorat réversibles au domaine de l’État, à défaut d’héritier direct de M. de Richelieu. On accueillit cette transaction, contre laquelle protestèrent, en s’abstenant, les ultra-royalistes, qui ne pardonnaient pas à M. de Richelieu l’ordonnance du 5 septembre. Celui-ci