Page:Jaurès - Histoire socialiste, VII.djvu/141

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accepta la rente de 50 000 francs et la transmit dédaigneusement aux hospices de Bordeaux.

En dépit de l’opposition de M. de Villèle, le baron Louis put faire voter à la Chambre le changement de point de départ de l’année financière, la reporter au 1er juillet, et éviter ainsi l’abus des douzièmes provisoires rendus nécessaires par la tardive réunion de la Chambre et qui désorganisent l’administration. Il y aurait beaucoup à dire sur cette modification encore réclamée de nos jours, car la Chambre des Pairs refusa de l’admettre, et, sans élever ici un débat financier, on peut soutenir que peut-être les inconvénients des deux systèmes se valent et se neutralisent.

Cependant, la situation du cabinet, si elle était solide à la Chambre, était, au contraire, bien fragile à la Chambre des Pairs. On se retirait de lui. La retraite de M. de Richelieu était la cause de la désaffection dont le gouvernement était l’objet. Il y avait à la Chambre des Pairs un groupe assez nombreux, qui évoluait par les mains du cardinal de Deauset, archevêque de Paris, et comme celui-ci était l’intime ami de M. de Richelieu, il lui avait toujours assuré le fidèle concours de cette docile cohorte. Mais M. de Richelieu parti, sa présence ne garantissant plus la modération de la politique libérale et M. Decazes étant soupçonné d’avoir semé d’intrigues la route de son collègue, le groupe refusait son appoint.

Cette situation ne put échapper à M. Decazes, davantage homme d’expédients que de principes, et qui vit tout de suite le sort qui l’attendait. Son mérite fut cependant de demeurer ferme. Les protestants de Bordeaux se plaignant, dans une pétition émue adressée à la Chambre, que l’éducation catholique fût, dans les écoles de l’État, imposée à tous les enfants, la Chambre, malgré la droite, avait renvoyé ces pétitions au ministère, s’élevant par là-même contre le sectarisme des prêtres et affirmant sa confiance dans le cabinet. Mais la Chambre des Pairs allait agir. Depuis quelques jours le parti des ultras, maître de la Chambre Haute s’agitait ; il cherchait le terrain où, sûr de la victoire, il pourrait appeler le cabinet, et ensuite l’homme qui, sur ce terrain, jetterait le premier défi. La question fut vite résolue. S’il était une loi abhorré des ultras, par eux maudite, c’était la loi électorale, et dans le court rapprochement opéré entre M. de Villèle et M. de Richelieu, l’abrogation de cette loi avait été une des conditions, acceptée à demi, du pacte nouveau. C’est à cette loi que les ultras attribuaient tous leurs échecs : par elle le pouvoir politique était descendu des mains de la haute aristocratie foncière aux mains de moyens propriétaires, et voilà ce qu’ils ne pouvaient pardonner, encore moins que la dissolution du 5 septembre 1816, à M. Decazes. Ce qu’il fallait faire, c’était modifier profondément cette loi néfaste. Qui en ferait la première proposition ? On découvrit un vieillard obscur, ancien directeur de la République, puis sénateur, puis pair, qui avait voté la loi, mais que ce souvenir importunait peu, M. Barthélémy. Et