Page:Jaurès - Histoire socialiste, VII.djvu/163

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leur esprit, une conviction s’était faite que des coups de main seraient nécessaires pour ébranler et briser le vieil arbre dynastique qui se survivait miraculeusement sur une terre labourée par la Révolution.

La colère certes était vive en toutes ces natures contre la race des Bourbons. Nulle part, quoique contenue, elle n’était plus ardente que dans l’armée, et dans cette demi-armée que constituaient, en marge de l’autre, les officiers révoqués, les officiers réduits à la misère de la demi-solde. Gouvion Saint-Cyr, en réorganisant l’armée au lendemain de la loi de recrutement, avait ouvert, ou du moins réouvert la carrière des armes à plus de 12 000 officiers. Depuis son départ, la rage du général Latour-Maubourg s’était exercée sur les hommes qui, comme lui, d’ailleurs, et avec moins de profits, avaient suivi Napoléon à la guerre, et les exclusions, les licenciements, les révocations avaient plu sur l’armée. Il ne faut pas oublier une mesure qui va servir d’explication à bien des actes hostiles à la Restauration : c’est que les anciens sous-officiers, pour rentrer dans la garde royale, devaient perdre leurs galons et les reconquérir péniblement dans leur nouveau corps.

On pense si les rancunes et les regrets agitaient ces hommes. Ainsi, avec l’Union de la liberté de la presse, les liens s’établirent vite. Une autre société, le Rayon, située rue Louis II, recueillait toutes les initiatives qui cherchaient une issue dans la révolte. Là se rencontrèrent le capitaine Nantil, de la légion de la Meurthe, qui tenait garnison à la caserne de la Pépinière, le commandant Bérard, d’autres officiers, comme M. Dumoulin, ancien aide de camp de l’empereur. M. de La Fayette, surtout, suivait de près les préparatifs de ces coups de main. Mais des querelles dans le comité éclataient entre M. de La Fayette et le général Turgot, partisan résolu de Napoléon II, dont l’ancien général de la Révolution ne voulait pas. Et puis des divergences de vue sur la meilleure manière d’opérer, les uns voulant agir à Paris, pour frapper un coup décisif ; d’autres sur plusieurs points de la France, pour diviser la répression et la vaincre plus aisément. Enfin des retards, des contre-ordres lassaient les courages en condamnant à l’inertie des hommes dont la tête, en cas de découverte, devenait, avant tout jugement, la proie assurée du bourreau.

On avait enfin décidé, sur les désirs du capitaine Nantil, d’assiéger et d’emporter le fort de Vincennes, où les conjurés avaient des intelligences, et le plan ajourné encore allait être exécuté, quand l’autorité militaire fut prévenue. Il y avait trop de confidents, l’opération avait trop traîné, les ordres divers avaient trop mêlé leur contradiction pour qu’il n’en fût pas ainsi. Des officiers de la région du nord prévenus firent tout savoir. Le capitaine Nantil dut s’enfuir. Le commandant Bérard fut arrêté, le capitaine Dumoulin, d’autres encore, en assez grand nombre, furent incarcérés, et nous les retrouverons, au mois de juin 1821, devant la Cour des Pairs.

Le 13 octobre eurent lieu les élections, sous le régime de la nouvelle loi :