Page:Jaurès - Histoire socialiste, VII.djvu/164

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par suite de cette loi, et par le jeu naturel de l’élection partielle, il y avait à élire, députés nouveaux et députés sortants, 224 candidats. Le succès alla presque tout entier aux ultras qui, de la Chambre de 1815, revinrent 76, avec les passions acharnées d’autrefois et surexcitées un peu plus par la défaite. Les libéraux tombèrent dans la Chambre à 75 ou 80 voix. La grande propriété avait ressaisi ses armes, avait relevé la tête, et elle envahissait la Chambre avec le désir d’y voter des lois pour son enrichissement et pour la satisfaction de ses rancunes. L’ouverture de la session eut lieu le 19 décembre 1820 ; deux jours auparavant, M. Lainé, M. de Villèle, M. Corbière avaient été priés d’accepter le titre de ministres sans portefeuille, ce qui leur donnait droit à la délibération dans le Conseil. C’était le prix de la fidélité des ultras qui était versé aux trois représentants de la politique rétrograde… C’était un encouragement donné à la politique suivie jusqu’à ce jour, et, s’il en était besoin, la preuve que le pacte existait et allait être respecté. Il devait l’être davantage par le ministère que par ses alliés. Mais n’anticipons pas.

Au mois de juillet 1820, avait lieu à Naples une insurrection formidable contre le roi Ferdinand, de la maison de Bourbon. Ce roi, restauré après le congrès de Vienne, s’était installé sur le trône, et depuis n’avait tenu aucune de ses promesses. Ni Charte ni Constitution. Il fut face à face, depuis le 2 juillet jusqu’au 9, avec l’insurrection triomphante qui, le 15, lui dictait un serment, celui de respecter une constitution libérale.

La Russie, la Prusse, l’Autriche surtout, ne purent accueillir cette insurrection qui faisait brèche au congrès de Vienne, sans protester. Les souverains se réunirent à Troppau, sur les confins de la Silésie, le 3 octobre 1820, et devaient demeurer là quelques semaines à délibérer sur les mesures à prendre et à convaincre Alexandre de la nécessité d’une action combinée. L’esprit obsédé par des visions funèbres, en proie à la folie mystique qui, par les soins de Mme de Krüdener, va bientôt le coucher sous la terre, Alexandre fut vite vaincu. L’envoyé des insurgés napolitains fut froidement reçu par Metternich, qui lui opposa le double dogme de la légitimité pour les rois et de l’immobilité pour les peuples, et l’ambassadeur put rapporter aux Napolitains, qui s’armèrent de suite, la nouvelle qu’une expédition allait les venir châtier de leur audace. L’Angleterre, peu favorable à une intervention, ne s’opposait cependant pas au châtiment, pourvu qu’il ne fût pas le prélude d’une conquête dont les mains de l’Autriche garderaient le profit. Pour cela, l’Angleterre veillait. Mais la France garda une attitude expectative : certes, il pouvait déplaire au roi Louis XVIII que, s’agissant du royaume de Naples, ce fût l’Autriche qui mît son armée à la disposition des trônes. Mais quelle autorité avait-il pour éluder cette dure obligation ? Il tenait son trône de l’intervention des puissances, laur devait son sceptre, sa place, son titre…

Il laissa faire, et d’ailleurs, d’accord toutes trois, les cours de Russie, de