Page:Jaurès - Histoire socialiste, VII.djvu/187

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les fouille, on trouve des notes, des cartes, des appels, des mots d’ordre. On arrête divers d’entre les survivants : quelques mois après, le sous-officier Sirejean est fusillé (avril 1822).

Ce désolant échec n’avait pas entamé le courage des conjurés ; avant même le procès de Sirejean, et dans le but de le délivrer avec ses coaccusés, un autre complot est ourdi. Il avait pour agent d’exécution le général Berton ; ce général, qui avait commandé la cavalerie d’Exelmans au Mont-Saint-Jean, avait été licencié, emprisonné un an sans motif, relâché, repris, conduit par une persécution indigne à l’exaltation la plus explicable. Le plan est fait : la ville de Saumur se lève ; on prend au château, que la garde doit livrer, 8 canons et 30 000 fusils ; on s’est emparé de la griffe du sous-préfet et on écrit aux généraux d’alentour : ils viennent, on les arrête, on décapite le commandement ; on rejoint à Nantes le 13e de ligne qui n’attend qu’un ordre ; à Angers, d’autres conjurés ; on marche sur Paris. Mais au moment d’exécuter le plan, sur la demande du docteur Caffé, on le modifie : c’est de Thouars que l’on doit partir pour soulever les paysans et enlever Saumur. Détestable pensée ! De Thouars à Saumur il faut presque une journée de marche, et les autorités prévenues ne manqueront pas de se concerter. Le 24 février 1822, Berton a quitté Thouars, après avoir perdu quatre heures, traverse avec un faible contingent des villages stupéfaits, arrive le soir devant Saumur et s’arrête : personne ne bouge. Mais le sous-préfet est prévenu, on ferme les portes, on parlemente ; Berton se retire, la petite troupe se disperse, et Berton va se cacher près de Rochefort. C’est alors qu’il va à la Rochelle s’offrir à la conjuration des quatre sergents et qu’on lui donne un banquet qui fut une des causes de l’arrestation des sergents de la Rochelle.

Berton, dont tous accusaient la faiblesse, est irrité contre lui-même : il lui faut une revanche. Précisément un autre complot va naître : Grandménil et Baudrillet sont allés à Paris, ont eu des rapports avec La Fayette qui les encourage. Berton est mis au courant : le régiment de Saumur doit se soulever, à la voix de l’un des sous-officiers, Voelfled, que La Fayette lui-même a recommandé. Une première entrevue a lieu le 12 juin ; on prend rendez-vous pour le 17 juin. Voelfled se présente avec quatre sous-officiers, les recommande comme d’ardents « patriotes », on boit, et, soudain, ces hommes mettent en joue Berton, Baudrillet, Delalande, les arrêtent, les ligottent, les amènent à Saumur. Au mois d’octobre le procès vint devant la cour d’assises de la Vienne. Une particularité de ce procès fut la déposition de Baudrillet : à l’interrogatoire, devant le juge, Baudrillet avait imprudemment avoué avoir été chez M. de La Fayette, rue Saint-Honoré. Heureusement M. Delalande lui montre sa naïveté et le conjure de donner du général une telle description que ce dernier fût méconnaissable, et que la pensée commune fût que c’était un faux La Fayette qui avait été présent. Seulement, comme c’était Grandménil qui avait fait la présentation et que Grandménil était absent,