Page:Jaurès - Histoire socialiste, VII.djvu/213

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1824, la mort du vieux roi. Son agonie fut courte : malade, replié sur lui-même, ne prenant plus ni air, ni mouvement, il céda sous le poids de la vie, et peu à peu s’éteignit. Il était mort le 12 septembre.

Il ne laissait pas une place vide. Depuis son retour en France, sauf quand la nouveauté de la situation étonnait encore par son contraste, son esprit, il avait laissé le pouvoir à d’autres. Ce furent, tour à tour, Blacas, Decazes, Richelieu, de Villèle. Fut-il habile comme on l’a prétendu ? Non pas. L’habileté ne se peut comprendre que sous une forme agissante et il était condamné au repos d’esprit. Les velléités de gouvernement libéral et ses retours à l’utra-royalisme n’étaient chez lui que le reflet d’une pensée étrangère. Libéral avec Richelieu, après avoir été rétrograde avec Blacas, plus libéral encore avec Decazes, il subissait l’action de ces hommes. Du jour où la Congrégation eut placé à son chevet Mme du Cayla, il devint, aux mains de cette sainte intrigante, l’instrument de toutes les fureurs. Le sang coula, sans l’excuse de la guerre civile, sous le couperet légal. Il fut d’un monstrueux égoïsme, indifférent à la vie, à la mort, blasé sur toutes choses. Son rôle eût pu être grand : essayer de réconcilier deux forces ennemies, présider à la transaction suprême où les traditions mourantes réclament un peu de vie aux aspirations nouvelles ; ouvrir le long du torrent révolutionnaire de minces canaux par où le déchaînement de la tempête eût pu jeter son écume ; demander aux uns d’oublier, aux autres d’apprendre ; tenir pour respectable son serment de fidélité à la Charte au lieu de ruser avec sa propre parole, il eût pu faire tout cela. Il le tenta, non pour la beauté de l’entreprise, ni même, comme un artiste souverain, pour la noblesse de l’effort, même inutile, mais conduit par Decazes, c’est-à-dire en vieillard envoûté par la courtisanerie séduisante et non en homme qui sait et qui veut. Aussitôt rattaché à Mme du Cayla, il goûta près d’elle des charmes dont le parfum seul pouvait griser sa sénilité somnolente. Ainsi il s’éteignit chrétiennement et royalement, tandis que séchait l’encre sur la dernière feuille qui reçut son dernier sonnet grivois…