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En France, par là même, le libéralisme triomphait. C’est lui qui, en partie, avait fait décider l’expédition sur mer, puis l’expédition sur terre, aidé cependant, il faut le dire, de quelques royalistes comme Chateaubriand qui, outre le désir de déplaire à Villèle, voyaient dans les Grecs moins des soldats de l’indépendance nationale que des chrétiens levant la croix devant l’Islam, Mais le triomphe tout moral du libéralisme fut indirect et non moins puissant. Cette expédition de délivrance, faite pour arracher la Grèce à son joug, était la revanche de l’ignominieuse expédition d’Espagne, par où tant de chaînes avaient été nouées. Cette fois le fer, si souvent souillé, était épuré à un noble usage, et la force n’était plus une prostituée puisqu’elle s’ennoblissait au service du droit.



CHAPITRE XVI


LE MINISTÈRE DE M. DE MARTIGNAC


La situation des partis. — Élection du président. — Le roi choisit Royer-Collard. — Tactique de M. de Martignac. — Création du ministère de l’Instruction publique. — La Société de Jésus frappée. — Protestation des évêques. — Intervention du pape. — Intrigues de la Cour avec M. de Polignac. — Les libéraux s’allient aux ultras. — Les lois, sur les communes et les départements. — Double échec du ministre. — Fin de la session. — Le roi congédie M. de Martignac — Responsabilité des libéraux et du ministère.


Nous, l’avons dit un peu plus haut : ce qui rendait plus difficile la tâche du ministère Martignac, c’est qu’il ne trouvait en face de lui qu’une poussière où s’étaient dissociés les éléments si fermes encore d’une opposition farouche. Le ministère de Villèle avait été abattu sous les coups d’une coalition et non par le méthodique effet d’une opposition homogène. Aux élections, quiconque arborait une opinion hostile à sa politique avait été soutenu par toutes les fractions, et nous avons vu La Fayette et M. de la Bourdonnaye confondus dans la même sympathie. Mais maintenant que l’ennemi était à terre, que pour panser insuffisamment les blessures de son amour-propre on l’avait nommé pair de France, en même temps que MM. Corbière et de Peyronnet (et sans doute aussi pour que leur présence à la Chambre élective ne fût pas un élément de trouble et une cause d’intrigue), maintenant que la cible vivante qui disciplinait, en les appelant sur elle, tous les coups, avait disparu, où ces coups allaient-ils porter et sur qui ?

L’ultra-royalisme revenait à ses fureurs premières et M. de la Bourdonnaye, qui semble bien, à considérer la correspondance de Chateaubriand et de de Villèle, avoir cédé à une rancune personnelle, redevenait, sous une forme plus parlementaire, le personnage intransigeant d’autrefois. Les libéraux aussi re-