désigner l’existence illégale de la société de Jésus et appeler sur son cas les méditations des juristes. Cette commission méditait encore quand le Gouvernement proposa une loi nouvelle sur la presse : elle supprimait la censure, elle supprimait l’autorisation préalable, mais elle exigeait, pour chaque journal, un cautionnement égal à 10 000 francs de rente ! C’était la liberté menacée par la fortune et la pensée mise à la merci de l’argent. C’était l’influence remise aux riches et la conscience des pauvres chargée, avant de prendre son essor, d’un poids trop lourd. Habile, trop habile balancement d’une politique trop souple ! On retirait d’une main ce que l’autre main avait donné. En séance, et en dépit des efforts des libéraux, le cautionnement fut maintenu, quoique abaissé à 6 000 francs de rente !
Cependant les passions étaient loin d’être calmées, et ce ministère, venu avec de droites intentions d’apaisement, était enveloppé de toutes les colères des partis. Fort heureusement, le ministère lui-même n’était pas encore la cible visée par toutes ces colères. Si ardente avait été la lutte sous l’autre gouvernement, si profonde était la blessure faite par lui aux consciences que, non satisfaits par sa définitive retraite, les partis recherchaient encore M. de Villèle. Retiré à la Chambre des pairs, celui-ci n’avait même pas trouvé dans la dépossession dont il avait été frappé la contrepartie d’un loisir d’esprit ou d’un repos physique. Presque aussi souvent que quand il gouvernait, et avec la même amertume, les critiques virulentes cherchaient, pour blesser ce cadavre politique, le chemin de la conscience en lui toujours vivante. Et après bien des rumeurs, préface ordinaire des grandes initiatives parlementaires, la mise en accusation du ministère précédent fut apportée par M. Lubey de Pompières, s’exprimant au nom des libéraux. Après un court et violent débat provoqué par l’impropriété ou l’imprudence des termes, cette proposition fut renvoyée à une commission dont M. Girod (de l’Ain) fut le rapporteur. Cruel embarras ! Dans les recherches auxquelles elle se livrait, cette commission se heurtait au silence combiné partout pour faire échouer sa tâche, aux résistances les moins dissimulées : c’était de corruption, c’était de trahison que le dernier gouvernement était accusé. Et on ne l’avait pu meurtrir de ce solennel affront qu’en ayant bien soin d’isoler de ses ministres le roi, dont la personne sainte était sacrée. La trahison de M. de Villèle consistait précisément à avoir intercepté tous les souffles de sympathie qui du peuple montaient vers le roi. Mais le roi, irrité en sentant déprécier et accuser les longs services dont il avait toujours approuvé la loyauté, avait réclamé de M. de Martignac qu’il s’opposât à ce que des mesures fussent prises contre M. de Villèle. M. de Martignac avait promis et, enchaîné par sa promesse, la voulait tenir. D’où, sous ses ordres discrets, mais directs, cette résistance passive des fonctionnaires et même des ministres, qui répondaient aux commissaires : « Je n’ai de comptes à rendre qu’au roi, mon maître. »