Page:Jaurès - Histoire socialiste, VII.djvu/236

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C’était une dérision pour ce Parlement qui se croyait maître de ses votes, et un démenti donné à son désir. La commission, ballottée d’un ministère à l’autre, impuissante devant les serrures fermées qui mettaient à l’abri de son regard les archives, établit cependant quelques griefs. La dissipation de la fortune publique, à propos de la guerre d’Espagne, des concessions faites à des ordres religieux et qui avaient entamé les droits de l’État, des séquestrations arbitraires, des spoliations, des fraudes formaient le faisceau, sinon de ses preuves, du moins de ses affirmations. Mais, comment conclure et démontrer, après avoir affirmé ? La commission ne le savait.

Or, pendant qu’elle cherchait le moyen de résoudre ce problème, un scandale sans précédent éclatait. On a vu un peu plus haut que le Gouvernement avait installé une commission chargée d’examiner la situation juridique des Jésuites qui persistaient, en dépit d’édits et d’ordonnances d’expulsion, à couvrir le sol de la France. C’était déjà une défaillance du pouvoir que de paraître douter de l’illégalité d’une congrégation brisée par tant d’actes et d’arrêts. Et, sans doute, cette défaillance était volontaire de la part de M. de Martignac qui, en créant une commission, se dispensait de donner, dès l’avènement de son cabinet, une opinion compromettante. Mais il n’est pas de solution ajournée qui ne s’impose à moins que la rare faveur des événements n’en débarrasse les hommes d’État. Donc cette commission avait réfléchi, travaillé, discuté, et voici le résultat auquel, à une voix de majorité, elle aboutissait : la société de Jésus n’avait rien de contraire aux lois du royaume !

Ainsi, d’un seul coup, étaient rayés de l’histoire et des annales judiciaires les édits et les arrêts qui avaient proscrit, comme mettant en péril par ses intrigues tenaces et souples la sûreté de l’État, cette congrégation. C’était un défi à l’opinion, au Parlement, à la cour de Paris. Et les libéraux s’agitaient sur les bancs du Parlement. Ils se demandaient si cette commission n’avait pas obéi à des influences du Gouvernement et si une connivence perfide avec la cour n’était pas la cause de ce scandaleux avis. M. de Martignac était à vrai dire, par de pareils propos, injustement soupçonné. Il avait, en entrant au ministère, un très ferme dessein, avoué au roi, et qui était de mettre obstacle à l’invasion religieuse. Seulement il avait peut-être compté, pour faciliter sa tâche, sur cette commission, ce qui était une faute de principe, un gouvernement ne devant jamais dissimuler derrière un paravent factice ses responsabilités. Sous les menaces libérales, il prit un parti, celui de frapper les Jésuites. Le roi céda, puis résista. Mais M. de Martignac avait en mains un moyen de pression dont il ne dédaigna pas d’user : c’était de livrer M. de Villèle aux fureurs parlementaires. L’ancien ministre devenait ainsi la rançon des Jésuites. Le roi, sur une menace de démission, céda enfin, et parurent ces ordonnances du 16 juin 1828 qui