attirèrent sur la tête de M. de Martignac toutes les invectives sacrées, quoique, à la vérité, elles ne méritassent pas ce déchaînement de colères par leur timidité.
En effet, les ministres empêchaient les Jésuites de diriger et d’enseigner, mais non de vivre en France. C’était un recul sur la législation antérieure et comme un désaveu des arrêts rendus. Le clergé tout entier, par ses hauts dignitaires, surtout par la voix hautaine de M. de Clermont-Tonnerre, protestait. Pour réduire ces insolences que le Concordat n’éteignait pas, le ministère s’adressa à Rome, et Rome, grâce à l’intermédiaire de Chateaubriand, donna au clergé l’ordre de se calmer. Il le fit, et de suite ; Mais l’obéissance passive dont, vis-à-vis du pape, le clergé venait de faire preuve était tout extérieure. La discipline sacrée descendait sur les faits et non dans les consciences. Si l’agitation cessa, si les ministres du culte, intimidés à la fois par l’attitude pontificale et par des mesures de suspension de traitements s’interdirent toute action bruyante, une vaste et silencieuse intrigue se noua qui avait pour but d’arracher le pouvoir aux mains qui, d’après l’ultra-royalisme, trahissaient les intérêts dynastiques.
De ce jour, le cabinet Martignac était condamné à mort. L’échéance seule était incertaine, mais non le résultat. M. de Martignac, dont le souple esprit entrevoyait les difficultés, sembla en avoir le pressentiment. Il se rapprocha visiblement de la gauche avec le désir d’appeler comme collaborateurs de sa politique M. Casimir Périer ou le général Sébastiani, le désir de confier d’autres fonctions moins hautes, mais positives, à d’autres membres du parti libéral. Précisément la place de M. de la Ferronays allait devenir vacante. Ministre des Affaires étrangères, un peu étranger aux coutumes parlementaires, effrayé des hardiesses de M. de Martignac, M. de la Ferronays désirait s’évader de responsabilités haïes. On pensait, par des mutations dans le ministère même, donner le ministère de la Guerre au général Sébastiani et celui du commerce à M. Casimir Périer… Mais le plan ne put tenir.
Le roi, en effet, commençait à agir contre son propre ministère. Dès que M. de Villèle eut été parti, il était tombé sous l’influence de Martignac dont la grâce expansive et séductrice avaient captivé un moment son esprit. Mais veillait près de lui, avec les regards jaloux d’un favori éconduit, le prince Jules de Polignac. De Villèle avait écarté ce rival en discréditant son intelligence et en faisant état de la légèreté de ses conceptions, et sa parole avait pu, un temps, effacer, même dans l’esprit du roi, le souvenir des services rendus à la cause, l’émigration, la conspiration Cadoudal, la condamnation, dix années d’internement subies par ce prince. Ambassadeur à Londres, sur un message secret du roi il revenait, en apparence pour les besoins de sa fonction, en réalité pour rentrer dans le ministère. Mais aux premiers mots insinuants du roi, tout le cabinet se leva pour parler. C’était