Comment la justifier, en effet ? Dès l’avènement du régime, en 1814, en 1815, le roi avait rencontré des résistances. Il pouvait en redouter la longueur et la puissance. Le prestige exercé par la force impériale, le souvenir de sa splendeur, même déchue, tout cela pouvait inquiéter la monarchie. De vieilles rancunes demandaient à s’assouvir ; des émigrés revenaient les mains vides, la tête blanche, le cœur empli d’une haine farouche…
Dans cet état, un roi, un régime avaient pu peut-être faire appel à des mesures de réaction, mesurer la liberté, ruser avec la Charte imposée. Mais, depuis, qu’avait fait la France pour mériter qu’on la meurtrît encore ? Elle avait élu des libéraux, envoyé à la Chambre des royalistes équilibrés et sages, voulu prendre au sérieux le système représentatif dont, d’une main avare, le régime l’avait doté. Mais, ce faisant, elle avait exercé son droit reconnu par le roi lui-même. Fallait-il qu’elle l’exerçât, pour gagner ses faveurs, dans le sens imposé par ses préfets ? Alors, c’était le despotisme ancien aggravé de l’hypocrisie constitutionnelle… Toutes ces réflexions amères vinrent à l’esprit de tous, et plus d’un royaliste sincère sentit se détacher de son cœur l’amour fidèle et loyal qui le portait à défendre le roi. D’autant que, si jusqu’ici Charles X avait été tenu au-dessus des fautes ministérielles par la constante pensée du peuple, en ce jour il devenait personnellement responsable, ayant congédié lui-même, sans même l’apparence d’un vote de la Chambre, des ministres qui formaient, par une sélection choisie, un groupe d’hommes de culture élevée, de talents assouplis et divers et de connaissances étendues.
Le défi éclatant que la seule formation de ce ministère contenait en elle fut entendu et compris. Une révolte, sourde d’abord et qui va devenir plus sensible, y répondit. À toute occasion, le peuple et la bourgeoisie, la pensée et le travail, les intérêts et les convictions, tout ce qui constitue la solidité et la splendeur d’un pays, tout protestait. La Fayette traversa la France de l’Auvergne à Grenoble, de Grenoble à Lyon, au milieu d’une haie d’admirateurs qui acclamaient en ce vieillard debout le souvenir ancien de la Constituante et revoyaient dans ses yeux, encore vifs, les lueurs premières des jours révolutionnaires.
Pendant ce temps, le ministère se livrait à toutes les dissensions intestines. M. de La Bourdonnaye, s’opposant à la nomination d’un président du Conseil, de peur, sans doute, que ce président fût un autre que lui, donna sa démission dès que M. de Polignac, avec raison d’ailleurs, en voulut imposer un. Cette sortie violente ne peut pas cependant être attribuée uniquement à la question de la présidence.
M. de la Bourdonnaye était demeuré un des rares royalistes gallicans, ennemi de la congrégation, hostile à l’empiétement du pouvoir religieux de la Société de Jésus sur le domaine législatif. Sans doute, de sourdes intrigues