Page:Jaurès - Histoire socialiste, VII.djvu/262

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hison éclatante devant l’ennemi recevait des récompenses, il avait encore, dans une scène d’une violence inouïe, été désavoué par le dauphin, injurié, emprisonné, presque frappé, s’était démis de ses fonctions de général, et n’avait repris son grade que pour chevaucher à la portière de la dernière voiture où la dernière royauté de droit divin s’acheminait vers l’exil. Le supplice fut long à celle-ci. Pendant quelques jours, en effet, Charles X, à petits pas, comme si son incurable orgueil attendait un rappel de la sympathie populaire, voyagea de Paris à Cherbourg. La dignité civique lui épargna de tardifs affronts, et ce convoi presque funèbre connut au moins le silence qui respecte les morts. Mais on ne put masquer au roi le drapeau tricolore flottant, dans l’air rayonnant du mois d’août, au-dessus des monuments, ce drapeau de la France impie et révolutionnaire qui avait abrité au Temple le premier captif du peuple. Enfin à Cherbourg finit l’exode de cette dynastie impopulaire et folle : le roi, le dauphin, les princesses, sa suite s’embarquèrent pour l’Écosse.

De là, le roi, quelques mois après, partit pour l’Autriche et il mourut en 1838, incorrigible, s’amusant à comploter, avec la fortune, une restauration.

Louis-Philippe allait monter sur ce trône, fait de tous les soutiens libéraux, appuyé sur les baïonnettes révolutionnaires qui n’avaient lui sur ce champ de bataille qu’au profit d’une monarchie nouvelle. On a beaucoup discuté pour savoir si dès 1830 la République n’aurait pas pu se relever du tombeau et soulever, d’un geste brusque, la lourde pierre qui l’avait, avec Danton et Robespierre, scellée au néant. On peut, certes, hardiment soutenir qu’une minorité intrépide, agissante, toute prête, aurait, après avoir proclamé la République, pu fonder, sous son égide, un régime libéral résistant. D’innombrables sociétés existaient, avaient vécu en laissant des héritiers de leurs espérances, un peu épars, il est vrai, mais qu’un geste eût ralliés. Du sang des soldats d’une cause sainte, le germe répandu par les échafauds politiques aurait levé. Et quant aux esprits craintifs et étroits qui ont confisqué au profit de Louis-Philippe la royauté, un rayon violent de lumière eût jeté en eux une clarté nouvelle. Quant à Paris, debout encore et frémissant, debout par sa jeunesse ardente, par sa maturité toute prête, debout par ses ouvriers dont les mains durcies devaient encore soutenir d’autres combats, il aurait arboré fièrement les couleurs de la République, et aucune main n’eût été assez virile pour les lui ôter.

Qu’est-ce donc qui a manqué à la République, puisque l’élan ne lui faisait pas défaut, puisque les grandes villes de province, préparées par tant d’agitation, auraient accepté le règne renouvelé de la liberté ? Il lui manqua d’abord les intérêts du commerce, de l’industrie, l’appoint d’hommes comme MM. Laffitte, Casimir Périer, qui redoutaient, pour leurs