Page:Jaurès - Histoire socialiste, VII.djvu/82

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à la cause des Bourbons, et celui-ci écrivit à Fouché pour lui dire que le retour du roi était nécessaire. Fouché promit, sûr des sentiments de l’armée, de faire à ce sujet et au profit des Bourbons, un message aux Chambres.

Mais l’habile intrigant était trop fin pour livrer d’un seul coup la bataille : il essaya d’abord l’effet de sa propre pensée sur ses collègues du gouvernement. Au premier mot, en entendant parler des Bourbons, ce fut un tel éclat que Fouché et Davoust se turent. Cependant Vitrolles, ignorant de l’échec que Fouché avait subi et qu’il cachait de peur de perdre son prestige, s’impatientait. Le message ne venait pas. Fouché l’avait-il lui aussi joué ? Fouché l’assura de ses bonnes intentions et le pria d’attendre.

Mais des difficultés énormes l’entouraient, et de si près qu’elles allaient finir par paralyser ses actes. À l’intérieur de Paris, l’armée bouillonnait ; près de Paris, au Bourget, Blücher et ses troupes… Rien ne séparait plus les forces en présence ; un coup hardi pouvait faire jaillir la flamme, et l’incendie allumé dévorait Fouché et sa fortune. Il fallait donc, par une œuvre parallèle et ténébreuse, d’une part arrêter les alliés, d’autre part faire partir l’armée. Pour cette dernière œuvre, Fouché comptait sur Davoust, mais qui allait se charger de la première ?

Fouché pensa employer Vitrolles ; il lui envoie un financier nommé Ouvrard, fournisseur aux armées, enrichi de vols et de rapines, et qui lui demande, en lui offrant deux millions pour les nécessités de l’opération, d’aller voir Grouchy, de combiner avec lui la convention qui arrêtera les alliés. Vitrolles écarte l’argent, accepte le mandat, va trouver Davoust, et se tenait dans son cabinet quand ce cabinet est envahi par une délégation de parlementaires et d’officiers. Davoust a l’imprudence de nommer Vitrolles ; alors une scène violente éclate : « On nous ramène les Bourbons, on nous trahit ». Les officiers présents signent et forcent Davoust à signer une proclamation contre les Bourbons, et le gouvernement averti, malgré Fouché, fait arrêter Vitrolles, qui, prévenu à temps, se met en sûreté.

Tout semble perdu ! Tout va réussir au contraire, grâce à la ténacité scélérate de Fouché. On veut défendre Paris ? Le peut-on ? On réunit un conseil de guerre où Marmont, Davoust, Ney, Vandamme affirment l’impossibilité de la défense. Et pendant ce temps, Wellington écrivait à Blücher une lettre qui ne fut que plus tard connue, et où il déclarait qu’il n’était pas en force pour enlever Paris. Blücher n’avait que 35 000 hommes éparpillés, tandis que 100 000 soldats attendaient dans Paris[1].

Mais le temps presse : il faut arrêter Blücher. Déjà il est à Saint-Denis, et, par ses ordres, tous les environs de Paris sont tenus. Une commission d’armistice propose aux alliés la suspension des hostilités, convention purement militaire… Blücher ne veut rien entendre. Il lui faut Paris, ses mu-

  1. Au procès du maréchal Ney, Davoust devait également avouer que la défense était possible.