Page:Jaurès - Histoire socialiste, VII.djvu/84

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sidée par Cambacérès, se réunissait pour se séparer. À la Chambre des députés, on discutait sur une constitution ! Manuel parlait sur l’hérédité de la pairie, lorsqu’on apporta, sans que l’orateur s’interrompît, une communication du gouvernement. C’était une lettre de Wellington annonçant l’arrivée du roi Louis XVIII. On la lut, personne ne protesta, et on se sépara pour revenir le lendemain. Mais, dans l’intervalle, les Prussiens avaient dissous le gouvernement en pénétrant, aux Tuileries, dans la salle de ses délibérations, et, le lendemain, la porte de la Chambre était close. Contre elle vinrent se heurter, dans la matinée, des députés, dont La Fayette, revenu, avec Voyer d’Argenson, de sa ridicule mission auprès des souverains qui ne le reçurent même pas. Quant à Fouché, à l’arrivée des Prussiens, il s’était levé. Comme l’officier lui remettait une lettre, il l’ouvrit. C’était une demande de contribution de guerre de 100 millions. « Nous la laissons comme legs au bon roi Louis XVIII », dit-il, et il sortit… pour aller prendre possession du ministère de la Police, qu’il s’était réservé comme salaire de ses triomphantes démarches. Lui seul, dans ce bouleversement, où un roi et un empereur avaient abandonné tour à tour leur couronne, n’avait rien perdu, pas même l’estime, qui, depuis longtemps, l’avait quitté.

Louis XVIII allait donc revenir. Il était parti pour Gand, misérable et seul. Là-bas, il avait voulu que, même un jour, même une heure, la royauté ne fût pas suspendue, et il avait organisé son ministère, avec Blacas. Chateaubriand publia même, deux fois par semaine, une sorte de journal officiel. Il avait, cependant, au cours de la bataille de Waterloo, connu les angoisses de l’incertitude, sur la foi de quelques fuyards, fait ses préparatifs pour Ostende. Enfin, il apprit le triomphe des Prussiens, qui était celui de la monarchie française, et il s’occupa de rentrer en France. Wellington le précédait, comme une sorte de héraut chargé de l’annoncer, et chaque pas que faisait l’armée anglaise lui ouvrait à lui la voie du trône. Il avait préparé une première proclamation dont Wellington ne voulut pas, et il dut en rédiger une seconde où il promettait l’amnistie, l’oubli des fautes commises. Il le faisait de mauvais gré, sans doute, mais cependant avec un plus vif désir d’apaisement que la plupart des hommes qui l’entouraient, et qui, pour la perte de la monarchie, devaient continuer à imposer à sa débilité la tutelle de leur fanatisme. Pas à pas, il suivait Wellington, et c’est ainsi qu’il prit possession de Saint-Denis le 5 juillet, au moment même où, en exécution de la « convention », Wellington s’installait au château de Neuilly.

C’est là qu’il dut penser à organiser le ministère. On avait pu lui arracher Blacas, le favori impopulaire, que les royalistes, deux fois émigrés, chargeaient, à juste titre, de tous les reproches, et qui avait si souvent fermé, devant l’assaut de leur obséquiosité, les antichambres royales. Blacas devint ambassadeur à Naples, et comme son désintéressement était au niveau de son habileté, il se fit donner par le roi sept millions, que celui-ci