Marmont, les maréchaux qui ne cherchaient qu’un prétexte pour faire oublier leurs services… De plus, il n’y avait qu’au point de vue politique, que Ney put plaider sa cause. Au point de vue militaire elle était jugée. Après tout, maréchal, chargé d’un commandement, ayant prêté serment de défendre le pouvoir auquel il était soumis, il avait violé ses engagements et déserté son parti. Il n’est pas de gouvernement, il n’est pas de régime qui puisse subir impunément un pareil acte. Le pouvoir civil, si avili qu’il soit, ne peut durer s’il n’a pas la main sur l’épée des chefs militaires. On pouvait négliger de rechercher sérieusement le maréchal, mais, une fois arrêté, non de le poursuivre et de le juger. Or, sa désobéissance méritait un châtiment.
Ce châtiment devait-il être la mort ? Voilà où la politique pouvait intervenir et on pouvait penser que la Chambre des Pairs, moins tenue par les règlements qu’un conseil de guerre, pourrait avoir en tout ceci de plus larges vues. Était-il utile à la cause royale de frapper à mort ce soldat ? Était-il juste de ne pas se rappeler que le maréchal avait subi l’ascendant de l’empereur — et surtout qu’il avait été entraîné par ses troupes ? Le maréchal devait penser que ces questions se poseraient d’elles-mêmes devant un corps politique… Et il voulut y paraître.
Mais les passions étaient surexcitées et déjà, au mépris de toute justice, M. de Richelieu, parlant à la Chambre des députés, après l’arrêt d’incompétence du conseil de guerre, avait promis un châtiment « au nom de l’Europe ». Quand le maréchal parut devant la Chambre des Pairs il dut voir qu’il s’était fourvoyé dans un prétoire où son procès ne devait être qu’une formalité. Est-ce pour cela qu’il laissa ses défenseurs utiliser les fins de non-recevoir les moins sérieuses ? Ceux-ci déclarèrent d’abord que Ney était couvert par la convention militaire du 4 juillet où Blücher et Wellington avaient promis de ne pas inquiéter les personnes pour leurs actes et leurs opinions. Comme si Blücher et Wellington avaient pu parler au nom du gouvernement dont ils n’avaient pas mandat ! Ils soutinrent ensuite, sans plus de succès, qu’aucune loi n’avait donné à la Chambre des Pairs compétence judiciaire et demandèrent un sursis. Enfin, ils allèrent jusqu’à réclamer l’incompétence, sous le prétexte que Ney était né à Sarrelouis, et que Sarrelouis ayant été enlevé à la France par le récent traité du 20 novembre, Ney n’était plus Français ! Où peut mener la procédure ? Ney protesta et déclara vouloir mourir en Français ; mais ce tardif mouvement, arraché sans doute par le sentiment de la révolte générale, n’empêche pas que Ney a dû consentir à ce que ce moyen fût développé. Car, qui croira que des avocats aient pu s’engager seuls dans une pareille voie ?
Il valait mieux livrer sa tête que de la vouloir dérober par de pareils artifices. Les témoins furent presque tous hostiles à Ney ; au moins, il put faire la preuve que jamais il n’avait promis d’enfermer Napoléon dans une cage de fer, que jamais il n’avait sollicité ni reçu du roi la moindre somme.