Page:Jaurès - Histoire socialiste, VIII.djvu/310

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Tandis qu’on apprêtait le jugement de ceux-ci, celui-là, par décision royale du 21 novembre, était banni du territoire français. Le 6 janvier 1837, ils comparaissaient devant les juges et l’un d’eux, le lieutenant Laity, expliquait ainsi sa participation au coup de main : « Je suis républicain et n’ai suivi le prince Louis Bonaparte que parce que je lui ai trouvé des opinions démocratiques. » Comment les juges eussent-ils frappé les comparses alors que le pouvoir épargnait leur chef. Ils acquittèrent au milieu d’applaudissements si éclatants qu’on en oublia qu’au même moment un sous-officier, Bruyant, venait de tenter un soulèvement militaire en faveur de la République.

À la fin de cette année 1836, Charles X acheva de mourir, tandis que le gouvernement ouvrait les portes de la prison de Ham aux ministres qui l’avaient, par leur folie, rendu à l’exil. Les deux événements passèrent presque inaperçus et Lamennais pouvait sans exagération écrire à un ami ; « La mort du pauvre Charles X a fait beaucoup moins de bruit, et beaucoup moins occupé le public de Paris que celle de Mme Malibran. » Et la session parlementaire de l’année nouvelle s’ouvrit, le 27 décembre, par le coup de pistolet qu’un détraqué. Meunier, tira sur Louis-Philippe, sans l’atteindre.



CHAPITRE II


DOTATIONS ET APANAGES.


Louis-Philippe songe à ses enfants. — Échec de la loi de disjonction. — Guizot se retire du ministère. — L’amnistie du 12 mai 1837. — À quoi Blanqui emploie la demi-liberté qui lui est octroyée. — La discussion sur la taxe des sucres. — La prise de Constantine et les élections.


Le parti républicain n’avait pas plus trempé dans l’attentat de Meunier que dans celui de Louis Bonaparte. Sauf le lieutenant Laity, encore mal réveillé du cauchemar de la Restauration, nul de ses membres n’avait suivi le prétendant, nul non plus n’avait aidé ou même conseillé le fantaisiste du régicide, maniaque plutôt que fanatique, que fut Meunier. Son attentat fut même désapprouvé par quelques-uns des placards sortis des imprimeries clandestines du parti, qui recommandaient l’organisation des « phalanges démocratiques », et déclaraient inutiles les attentats, si louables fussent-ils. Car, disait l’un de ces placards, « ce n’est pas tout de tuer le tyran, il faut encore anéantir la tyrannie ». Et il fallait pour cela compter uniquement sur l’insurrection, par conséquent ne distraire aucun effort, aucune pensée de ce but.

Le roi, en ce moment, était beaucoup plus à ses soucis de père de famille qu’aux alarmes et aux inquiétudes des attentats et des conspirations. Avec un courage tranquille et paterne qui ne manque pas de relief, il avait pris son parti de la situa-