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QUATRIÈME PARTIE
LA RÉACTION
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CHAPITRE PREMIER


LES FORTIFICATIONS DE PARIS


Le ministère Soult-Guizot. — Le traité du 15 juillet devant la Chambre. — Thiers et Guizot vident le sac aux secrets d’État. — Le retour des cendres de Napoléon. — Lamennais condamné. — Lacordaire arbore le froc de dominicain dans la chaire de Notre-Dame. — Le scandale des lettres de Louis-Philippe. — Les fortifications de Paris et l’attitude du parti républicain. — Le communiste Cabet proteste contre les Bastille. — Les cent soixante députés fonctionnaires repoussent la loi de incompatibilités. — Règlement des affaires d’Orient. — Les troubles du recensement : émeute à Toulouse.


Voilà donc Guizot au pouvoir. Car il ne faut pas se laisser prendre aux étiquettes : le maréchal Soult a bien le titre de président du Conseil, mais c’est Guizot qui portera les responsabilités, répondra devant les Chambres, devant le pays, devant l’histoire, de la politique de réaction et de corruption voulue par Louis-Philippe. C’est pour entrer dans les vues de ce vieil entêté, et les servir, que Guizot mettra en avant sa doctrine et sa face, également austères d’apparence, et provoquera finalement la révolution du mépris.

Guizot, qui naturellement a pris le portefeuille des Affaires étrangères, donne l’Intérieur à Duchâtel, l’Instruction publique à Villemain, les Finances à Humann, la Justice à Martin (du Nord), le Commerce à Cunin-Gridaine, les Travaux publics à Teste, la Marine à Duperré et la Guerre à Soult. Celui-ci n’aimait pas Guizot. Ses préférences étaient d’abord allées à Thiers. Mais une brouille survint, et Thiers ne fut plus pour lui que le petit « foutriquet » ; ce surnom de caserne devait rester attaché, dans le vocabulaire des faubourgs parisiens, au plus constant adversaire de la « populace », et le plus féroce.

La brusquerie brouillonne de Soult le rendait aussi inapte aux débats parlementaires qu’aux discussions du Conseil. Non qu’il n’eût des éclairs de bon sens ; et il devait même souvent, par ses boutades, embarrasser Guizot dans ses manœuvres tortueuses. Quand il était à la tribune, ses collègues tremblaient pour le sort du ministère, et il leur fallait souvent y monter pour y réparer ses sottises, qui étaient parfois des accès de franchise, des crises de scrupule. On le supportait à cause de la grande popularité que lui valait son passé militaire.