Page:Jaurès - Histoire socialiste, VIII.djvu/513

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dernière campagne en unité, en force, en avenir, est à peine croyable ; quand même la cause de la liberté d’enseignement serait perdue pour cinquante ans, nous avons gagné plus qu’elle-même, parce que nous avons gagné l’instrument qui la procure… Si ce pauvre abbé de Lamennais avait su attendre, quel moment pour lui ! Hélas ! nous le lui avions tant dit. Il serait plus grand que jamais… Il suffisait d’être humble et confiant dans l’Église. »

La tactique des effervescents prévalut. Forts de leur conquête, les cléricaux voulaient l’étendre sans plus tarder. Le gouvernement, d’ailleurs, ne faisait rien pour les décourager. L’évêque de Chartres pouvait accuser l’Université de faire « un horrible carnage d’âmes », les prêtres pouvaient interdire du haut de la chaire aux familles d’envoyer leurs enfants dans les « écoles de pestilence », la jeunesse catholique pouvait envahir le Collège de France et la Sorbonne, y insulter les professeurs attachés à l’esprit de la Révolution, les savants fidèles à la science ; le pouvoir gardait un silence et une passivité complices. Parfois même, — on a revu ce scandale en ces temps-ci, — il exécutait les sentences d’exclusion prononcées contre certains professeurs libéraux, et suspendait les cours de Ferrari et de Bersot, dénoncés par l’Univers, dont plusieurs rédacteurs appartenaient aux bureaux du ministère de l’Intérieur.

Le dépôt, par Villemain, des projets de loi sur les petits séminaires et sur l’enseignement secondaire accrut l’audace du parti clérical. L’abbé Combalot, qui demandait en chaire « la restitution des registres de l’état civil à l’Église », lança une brochure, un Mémoire à consulter adressé aux évêques de France et aux pères de famille, où les infamies des Védrine et des Desgarets étaient dépassées. « L’Université, disait-il, pousse les jeunes générations au brutisme de l’intelligence… Elle double toute la puissance de l’homme pour le mal. » Aux évêques qui songeaient à retirer les aumôniers des collèges de l’État, il proposait une mesure plus radicale : « Défendez, leur disait-il, aux pasteurs des paroisses d’admettre à la première communion et à la Pâques des chrétiens les enfants catholiques que le monopole s’efforcerait de retenir dans son sein. »

C’en était trop tout de même, et le gouvernement ne put s’empêcher de sévir contre Combalot, qui fut condamné en cour d’assises. L’évêque de Châlons, déjà frappé de la bénigne déclaration d’abus, que le Conseil d’État inflige aux prélats en révolte contre les lois, félicita le « martyr » en ces termes : « L’évêque et le clergé de Châlons s’empressent de joindre leurs félicitations à celles de toute l’Église et de tous les gens de bien que M. l’abbé Combalot a reçues. Il était digne de lui de donner un si bel exemple et de prendre aussi ouvertement la défense de nos vérités catholiques contre l’Université, qui en est l’ennemie déclarée. »

Le 19 mars, Dupin apportait à la tribune de la Chambre la protestation de la bourgeoisie contre cette insurrection presque générale d’un clergé qui ne voulait pas se contenter d’être le gardien des privilèges du riche, le corps