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et aux droits de la société civile, et recueillait une part de la popularité qui s’attachait aux défenseurs de ces droits ; et il voyait dans la défaite du ministère une occasion de ressaisir le pouvoir. Car il avait conclu, dans son rapport, déposé le 17 juillet, à des dispositions que Villemain, paralysé par Guizot, n’avait pas inscrites dans son projet et que le ministère n’était pas disposé à accepter.

« L’esprit de notre révolution, disait le rapporteur, veut que la jeunesse soit élevée par ses parents, par des laïques animés de nos sentiments, animés de l’amour de nos lois. Les laïques sont-ils des agents d’impiété ? Non encore, car, nous, le répétons sans cesse, ils ont fait les hommes du siècle présent plus pieux que ceux du siècle dernier. Si le clergé, comme tous les citoyens, sous les mêmes lois, veut concourir à l’éducation, rien de plus juste, mais comme individus, à égalité de conditions, et pas autrement. Le veut-il ainsi ? Alors, plus de difficultés entre nous. Veut-il autre chose ? Il nous est impossible d’y consentir. »

La défaite du parti catholique devant la Chambre était certaine. La loi en sortirait aggravée. Guizot en avait le sentiment très net. Louis-Philippe, de son côté, ne voulait pas que son ministère fut renversé par une querelle « de cuistres et de bedeaux ». Une maladie grave de Villemain vint à propos tirer le cabinet d’embarras. On ne pouvait discuter une loi de cette importance en l’absence du ministre le plus directement intéressé, et qui en était l’auteur. Sentant le courant d’opinion qui s’était formé dans la Chambre contre leurs prétentions, et d’ailleurs mal disposés pour un projet qui obligeait les membres ecclésiastiques de renseignement à déclarer qu’ils n’appartenaient pas à une congrégation non autorisée, forts enfin de la tolérance du pouvoir qui leur faisait prendre beaucoup plus que la loi ne leur eût accordé, les catholiques militants s’étaient, de leur côté, fort assagis. Un accord tacite suspendit donc les hostilités parlementaires.


CHAPITRE VII

LES JÉSUITES


L’incident Pritchard et la guerre avec le Maroc. — Vive agitation en Angleterre. — La France accorde une indemnité à Pritchard, mais garde Taïti. — Louis-Philippe rend sa visite à la reine Victoria. — Audace croissante des cléricaux. — Thiers interpelle le gouvernement sur les jésuites. — Aidé par le pape, Guizot joue les Chambres et le pays. — Pas un jésuite n’a quitté la France. — Persécutions contre l’Université ; Salvandy interdit les cours de Mickiewicz et d’Edgar Quinet. — L’art et la pensée en 1845.


Le 31 juillet, on apprenait à Paris que Pritchard, ayant fomenté une insurrection des indigènes de Taïti, avait été arrêté par le commandant de