Page:Jaurès - Histoire socialiste, VIII.djvu/554

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rents, tout en se servant de son nom et de ses écrits, c’est-à-dire en le compromettant :

« Le procès établit : 1o Qu’une partie des communistes de Tours, dédaignant les conseils et les recommandations du Populaire, se sont laissé entraîner à organiser, sous le titre de goguette, une espèce de société de chant qui se réunissait dans les cafés ; 2o que, parmi les meneurs, se trouvaient un et peut-être deux espions ou agents provocateurs, par lesquels ils se sont laissé tromper et duper ; 3o que, pour entraîner dans la goguette, on disait qu’on y chantait des chansons communistes et révolutionnaires de M. Cabet (ce qui était un infâme mensonge), et que, après le chant, on y applaudissait en criant : Vive Cabet ! 4o que ces mêmes communistes se sont laissé entraîner dans les cafés, puis dans la rue, par les agents provocateurs, pendant l’émeute des 21 et 22 novembre, au sujet de la disette ; 5o qu’ils se sont ainsi exposés à être accusés par le cri public et par la justice d’être les instigateurs et les auteurs de l’émeute, même d’être coupables d’un complot, ou du moins d’une société secrète, dans le but d’établir la communauté par la violence ; 6o que deux des accusés qui avaient poussé ou entraîné les autres, ont tout révélé contre leurs camarades ; 7o que, dans la procédure et pendant les débats il a été très souvent question de M. Cabet et du Voyage en Icarie, et que l’accusation semblait vouloir les incriminer ; 8o qu’ainsi ces communistes dédaigneux de la marche icarienne ont gravement compromis, non M. Cabet, que rien ne peut compromettre réellement, mais le communisme lui-même et les communistes en général en les exposant au soupçon de désirer la société secrète, l’émeute et la violence ».

À l’ouverture de la session de 1847, le gouvernement de Guizot fut vivement attaqué, dans la discussion de l’adresse, mais non sur son imprévoyance à propos de la crise des blés. Puisque force était restée à la loi et que l’émeute de la faim ne grondait plus, il n’y avait point là matière à passionner une assemblée d’hommes d’affaires et de fonctionnaires. L’attaque, commencée par Odilon Barrot, porta donc sur la politique extérieure. Thiers démontra que la politique suivie dans l’affaire des mariages espagnols avait permis aux puissances du Nord de détruire de leurs mains les traités de 1815.

Mais Thiers n’ayant blâmé que la hâte du gouvernement à marier le duc de Montpensier, Guizot demeurait inattaquable sur le fond même de sa politique. Il la justifia en niant avoir promis à lord Normanby que le duc de Montpensier n’épouserait la princesse Louise-Fernande qu’après que la reine Isabelle aurait mis au monde un infant. L’ambassadeur anglais à Paris, mis ainsi en cause, accusé devant la Chambre d’inexactitude, se plaignit à Palmerston, qui lui répondit en affirmant sa pleine confiance en lui. En même temps, un journal anglais inspiré par le ministère déclarait que Guizot était « un imposteur convaincu d’imposture ».

Les rapports ainsi tendus entre le ministre des affaires étrangères et le représentant de l’Angleterre, se rompirent tout à fait, quelques jours plus tard, par