Page:Jaurès - Histoire socialiste, X.djvu/130

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bonnes. Elles furent votées par 237 voix contre 24, sur 251 votants.

Était puni d’emprisonnement et d’amende « tout individu ayant pratiqué des manœuvres ou entretenu des intelligences soit à l’intérieur, soit à l’étranger ! » Était puni tout détenteur ou porteur de machines meurtrières ou de poudre fulminante.

« Tout individu condamné pour l’un des délits prévus par la présente loi, peut être, par mesure de sûreté générale, interné dans un des départements de l’Empire ou en Algérie, ou expulsé du territoire français ». (Article 5).

« Peut être interné dans un des départements de l’Empire ou en Algérie, ou expulsé du territoire français tout individu qui a été soit condamné, soit interné, expulsé ou transporté par mesure de sûreté générale à l’occasion des événements de mai et juin 1848, juin 1849, ou de décembre 1851, et que des faits graves signalent de nouveau comme dangereux pour la sûreté publique ». (Art. 7). Il suffit de n’aimer pas l’Empire ; il suffit d’avoir lutté à un moment quelconque pour la République, pour être expulsé. Et pourtant, s’il fallait en croire M. de Morny, jamais gouvernement ne s’est montré plus tolérant, plus insensible à l’hostilité des anciens partis. On se demande en vérité ou M. de Morny avait appris l’histoire.

La loi avait été votée le 27 février, promulguée le 28. Elle ne pouvait être appliquée qu’un jour franc après sa promulgation. Mais il y avait beaux jours déjà qu’on arrêtait, emprisonnait, déportait.

Depuis le 7 février, le général Espinasse, le soudard audacieux qui au matin du 2 Décembre avait arrêté les questeurs, l’auteur du rapport contre les mesures de clémence en 1852, avait été appelé à remplacer M. Billault au Ministère de l’Intérieur, devenu pour la circonstance « Ministère de l’Intérieur et de la sûreté générale ». Dès le surlendemain, il annonçait par une circulaire pourquoi lui, militaire, avait été appelé à ces fonctions civiles. La France « s’était abandonnée depuis dix ans à une confiance excessive peut-être sur l’apaisement des passions anarchiques » ; « de coupables espérances couvaient encore au sein du parti républicain ». Il fallait donner au pays la garantie de sûreté qu’il réclamait. « Il est besoin, concluait le général, d’une surveillance attentive, incessante, empressée à prévenir, prompte et ferme à réprimer, calme toujours comme il convient à la force et au droit ( !) ; il faut enfin que nos populations, justement alarmées, sachent bien qu’aujourd’hui encore, c’est aux bons à se rassurer, aux méchants seuls a trembler ». On croyait lire encore quelque proclamation de M. de Maupas en décembre. Les républicains surent bientôt une fois de plus ce que parler veut dire, dans ce langage militaire.

Chaque préfet avait reçu l’ordre d’arrêter un nombre déterminé de républicains, les uns quatre, les autres vingt, selon le passé du département. Les recherches consciencieuses de Ténot et Dubost leur ont permis d’établir que plus de quatre cents citoyens furent alors transportés en Algérie. Il y en