Page:Jaurès - Histoire socialiste, X.djvu/133

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relâchait les liens qui l’unissaient à l’Église et se trouvait fatalement poussé vers les libéraux. Dès avril 1858, les républicains du Palais-Royal, les amis du prince Napoléon, Havin, Bixio, Henri Martin, se préparaient à soutenir cette nouvelle politique, dont ils espéraient tirer pour leur parti de sérieux profits.

Au même moment, des élections avaient lieu à Paris, pour remplacer Goudchaux, Carnot et Cavaignac, qui avaient refusé le serment. Si Liouville était battu à une faible majorité, Ernest Picard, l’ami d’Ollivier, et surtout Jules Favre, l’ardent patriote, l’avocat d’Orsini étaient élus. C’était la preuve qu’en dépit de la loi de Sûreté générale, Paris ne désarmait pas ; mais l’élection même de Jules Favre, quelque hostilité qu’elle révélât contre l’Empire, pouvait faire espérer qu’une politique de nationalités, hardiment pratiquée, rallierait encore des républicains.

Cependant, les conseillers italiens déployaient toute leur activité. À la fin de mai, le docteur Conneau apportait à Turin, à son ami Cavour, l’invitation que lui faisait l’Empereur de venir à Plombières s’entretenir avec lui de la guerre prochaine. « Le drame, écrivait alors le ministre sarde, approche de la solution ».

L’entrevue de Plombières (21-22 juillet) régla les conditions de l’intervention française. Il fallait, si l’on voulait se ménager la neutralité des souverains européens, limiter l’entreprise, masquer la révolte populaire, l’offensive révolutionnaire. Le plan fut tracé. Quelques sujets du duc de Modène se soulèveraient. L’Autriche, à l’appel du duc, ne manquerait pas de venir les réprimer. Le Piémont et la France interviendraient. Point de guerre avec Naples ; point de lutte contre le pape, toujours gardé par les troupes françaises. Mais la maison de Savoie obtiendrait tout le Nord de l’Italie, de l’Apennin à l’Adriatique. La France aurait pour elle la Savoie et Nice ; pour Nice, patrie de Garibaldi, terre italienne, Cavour résista longtemps, mais finit par céder. Un mariage devait consacrer l’alliance : le mariage du prince Napoléon, cousin de l’Empereur, et de la princesse Clotilde, fille de Vîctor-Emmanuel.

Il y avait loin des conventions de Plombières aux aspirations unitaires de la race italienne ; et la politique des nationalités, pratiquée par Napoléon, ne devait répondre que bien incomplètement aux vieilles idées de propagande révolutionnaire des républicains français.

Mais peu importait à Cavour. L’essentiel était de marcher ! Le politique réaliste qu’il était saurait bien, l’heure venue, parer aux événements. Les mois suivants furent employés aux derniers préparatifs. La Farina agita-t-il les États de Modène pour préparer le soulèvement initial. Le prince Napoléon, à Varsovie, en septembre 1858, obtenait la neutralité du tsar. Le 10 décembre 1858, un traité secret scellait l’accord conclu à Plombières. La guerre était certaine pour le printemps.

Toutes ces négociations s’étaient poursuivies dans le secret : si les cours