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chrétienne » secret des gloires de son règne. En décembre, la brochure Le Pape et le Congrès redoublait l’ardeur de l’opposition.

La brochure avait paru le 22. Fiévreusement, Mgr Dupanloup se mettait à l’œuvre ; et en deux jours composait sa Lettre à un catholique où il sommait l’Empereur de renoncer à l’anonymat, de discuter avec les gens.

Contre sa politique, Napoléon III sentait que l’accord de tous les catholiques, de Montalembert à Veuillot, venait de se faire. Au demeurant, le pape allait la diriger : Napoléon lui ayant conseillé d’abandonner les Romagnes, dans une encyclique violente, le 19 janvier, il déclara les adversaires de son pouvoir temporel dignes des mêmes anathèmes que ceux de son pouvoir spirituel.

A partir de février 1860, toutes les plumes catholiques sont en mouvement. Lacordaire, dans sa Liberté de l’Église et de l’Italie, démontre à l’Empereur qu’il est grave d’avoir mis le christianisme tout entier contre l’unité italienne. Mgr Gerbet, dans son livre De la papauté lui rappelle que c’est grâce aux catholiques que l’Empire a pu être établi. Nettement, dans la collection des Bons livres que lance la librairie Lecoffre, établit que la France, responsable de la guerre de 1859, doit chercher le remède à la situation pénible, créée par elle, et poursuivre l’œuvre glorieuse inaugurée en 1849). M. de Falloux, dans ses Antécédents et conséquences de la situation actuelle, signale la contradiction de la politique nouvelle et de celle qui faisait des Français, pour leur plus grande gloire, les représentants universels du catholicisme. Dans sa Politique nationale et le droit des gens, M. de la Rochejacquelin signalait que la grandeur de la marine française ne se soutenait que par son alliance avec les missions catholiques : la France catholique ne pouvait abandonner le catholicisme dans la question italienne. Enfin Veuillot prophétisait le nouveau Waterloo, plus funeste que le premier. C’était, selon lui. le 3 juillet 1849, par le siège de Rome, que l’œuvre du Congrès de Vienne avait été effacée. C’était depuis ce moment que la grande France catholique était devenue l’arbitre des peuples. Mais ce rôle, disait-il, a été perdu. L’Angleterre a armé Orsini, a poussé l’Empereur dans l’affaire italienne. Le second Waterloo se prépare.

Avec les brochures, les évêques multiplièrent les mandements. Après Castelfidardo des cérémonies funèbres solennelles eurent lieu en l’honneur des défenseurs du pape, tués sur le champ de bataille ; Mgr Pie, dans un mandement, dénonça le nouveau Pilate. Et les légitimistes, qui composaient pour la plus grande part l’armée de Lamoricière, participèrent à toutes ces manifestations.

Les mesures répressives, la suspension de l’Univers, les poursuites contre les évêques, contre les écrivains, se révélaient impuissantes. Cette opposition criarde grandissait toujours.

Napoléon III se trouva alors dans une position singulière. Il avait espéré, par la gloire, rallier à lui tous les partis, donner aux catholiques des gages de