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En décembre 1859, M. de la Guéronnière, ou l’Empereur (comme on voudra) publia la brochure : le Pape et le Congrès. Napoléon III et les autres puissances venaient de décider la tenue d’un Congrès pour régler la question italienne. L’Empereur conseillait au pape de renoncer aux légations, de laisser toute l’Italie du Nord s’unir à la Sardaigne, s’il voulait du moins que le reste de son pouvoir temporel lui fût garanti.

C’était le signal de la nouvelle action napoléonienne en Italie. M. Thouvenel, le nouveau ministre des Affaires étrangères allait la conduire habilement. La France reconnaissait les annexions des États du centre au Piémont, moyennant la cession de la Savoie et de Nice. Cavour, redevenu ministre le 20 janvier 1860, consentit à la cession, en ayant l’air d’y être contraint par un ultimatum (24 mars, traité de Turin). Au même moment, la Toscane, l’Émilie, les Légations se prononçaient par plébiscite pour leur annexion à la Sardaigne. Donnant, donnant, Napoléon III était devenu véritablement le « complice de Cavour ».

Or, c’était cette complicité qui effrayait les catholiques et l’avenir prouva qu’ils n’avaient pas tort. M. Thouvenel s’était flatté par le traité de Turin de « rassurer l’Europe et de contenir l’Italie ». Mais l’Italie unitaire ne pouvait être contenue.

Dès avril 1860, Garibaldi révolutionnait la Sicile ; le 8 août, il franchissait le détroit de Messine, et François II devait abandonner son royaume. En septembre, avec la complicité de Napoléon et pour empêcher Garibaldi de compromettre l’unité dans le sud, le Piémont sommait le pape de dissoudre la petite armée qu’il avait rassemblée sous les ordres de Lamoricière ; puis son général Cialdini, franchissant la frontière de l’Ombrie, mettait les pontificaux en déroute à Castelfidardo, occupait l’Ombrie, les Marches, et ne respectait que Rome, toujours occupée depuis 1849 par des troupes françaises ; puis il allait dans le royaume de Naples, préparer contre Garibaldi même, l’annexion de ce pays au Piémont (21 octobre 1860). En janvier 1861, François II perdait la dernière place qu’il eût encore, Gaëte. Toutes les provinces annexées au Piémont venaient d’être invitées à élire leurs députés ; et le premier Parlement italien, réuni le 18 février 1861, proclamait Victor-Emmanuel, roi d’Italie. L’unité politique de la péninsule était accomplie. Seules Rome et Venise manquaient à l’appel. Mais Cavour était plein de confiance en l’avenir.

Tous ces graves événements étaient loin d’avoir laissé indifférents les partis français et plus particulièrement le parti catholique. Dès la fin de septembre 1859, au moment où l’on sentit que l’Empereur allait de nouveau soutenir la révolution italienne, les catholiques français parlèrent comme ils n’avaient jamais parlé. Les mandements, les grandes épitres oratoires, les brochures, les articles contre les révolutionnaires se multiplièrent. Au premier rang luttaient les évêques de Poitiers et d’Orléans, Pie et Dupanloup. En octobre, Mgr Donnaz priait l’Empereur de rester fidèle à « la politique