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conclusions, qui ne durent point réjouir le cœur des enquêteurs de 1856. « Tandis que le prix des subsistances, assurent-ils, s’est élevé de 45 %, en 32 ans, les salaires, au moins pour les ouvriers du bâtiment, le plus régulièrement et le plus activement occupés, il est vrai, n’ont augmenté que de 17 %. Et plus loin : « Si nous rapprochons, pour la période quinquennale, 1853-57, l’accroissement des prix et des salaires, dans les villes chefs-lieux d’arrondissement, pour les 59 Corps d’État, qui ont fait l’objet de cette enquête spéciale, nous trouvons que la viande de bœuf a augmenté de 25 % et les salaires de 17 % seulement ». Il est vrai que les enquêteurs officiels se rassuraient en montrant que les prix des objets manufacturés avaient baissé, que la production intensifiée diminuait le chômage et assurait un salaire plus constant ; mais les ouvriers s’accordaient à trouver la situation plutôt pénible.

Ce qui la compliquait encore, dans les grandes villes, et surtout à Paris, c’était le renchérissement des loyers. En 1863, Corbon estimait à 70 % en moyenne l’augmentation des petits loyers parisiens depuis vingt-cinq ans. En 1867, le rapport des ouvriers des cuirs et peaux indiquait comme suit la différence de certains loyers en 1846 et en 1866 : une chambre et un cabinet, rue Grégoire-de-Tours qui valaient 100 fr. en 1846, en valaient 260 en 1866 ; une chambre, rue Saint-Martin, était passée de même de 160 à 400 fr. ; un cabinet, rue de la Grande-Truanderie, de 80 à 260 fr. On voit quels sacrifices imposaient aux ouvriers parisiens, que leur travail empêchait d’émigrer dans les faubourgs, les transformations de M. Haussmann. M. Vautour pouvait être satisfait.

Si des renseignements suffisamment précis nous manquent pour l’ensemble de la France, les indications données pour Paris par M. Bienaymé (Annuaire statistique de la Ville de Paris 1893) permettent de voir combien les charges de l’ouvrier parisien avaient augmenté pendant le Second Empire. Le tableau suivant le résume clairement :


SOMMES DÉPENSÉES EN MOYENNE PAR UN OUVRIER PARISIEN


Années Nourriture
Chauffage, éclairage.
Logement. Ensemble
1844-53     931 120 1.051
1854-63 1.052 170 1.222
1864-73 1.075 220 1.295


On voit que si l’augmentation des loyers est à peu près constante, c’est surtout de 1854 à 1863 que l’augmentation de toutes les denrées a été sensible.

Les impressions des ouvriers, au jour le jour, ont traduit très exactement ce mouvement disproportionné des salaires et des prix. On peut entendre l’écho de leurs plaintes, dans les rapports que rédigèrent les délégués ouvriers à l’Exposition de Londres de 1862. Tous constatent que