ment d’après lequel tout ouvrier, qui travaillait à la mole c’est-à-dire, au-dessous des prix imposés) et dans un atelier interdit, était condamné à 5 francs d’amende et signalé partout.
C’est ainsi que les sociétés de secours mutuels se trouvèrent utilisées par les ouvriers pour la défense de leurs intérêts professionnels. Dans l’histoire des associations professionnelles à cette époque, toute grève consciente, — j’entends toute grève qui n’est point la révolte soudaine d’un prolétariat cruellement exploité, mais au contraire un mouvement réfléchi pour une réduction du temps de travail ou une modification de la méthode du travail, — apparaît comme l’œuvre de sociétés de secours mutuels. En décembre 1851, le procureur de Lyon, qui en cite de nombreuses preuves, déclare que les sociétés de secours mutuels sont les auxiliaires accoutumées des coalitions et la source des sociétés secrètes ». Et tous ses collègues, tous ces dévoués fonctionnaires que l’on chargeait avant tout de surveiller les masses ouvrières et à qui l’on prescrivait d’autre part de favoriser les sociétés de secours mutuels, se demandaient avec inquiétude si cette double politique était bien cohérente.
Qu’on me permette de citer, à ce propos, un document encore inédit et qui montre bien tout à la fois l’esprit qui inspirait les sociétés ouvrières de secours mutuels et les inquiétudes des fonctionnaires. Je l’ai trouvé dans la série politique des Archives du ministère de la Justice, récemment déposée aux Archives nationales.
Un manufacturier en peluche, de Tarare, un nommé Martin, avait eu une grève en avril 1848 : les ouvriers avaient été victorieux. En 1840, en 1850, en 1851, les affaires étant prospères, ils avaient arraché quelques maigres augmentations de salaire. En 1852, pendant la morte saison, le patron escomptant l’appui du nouveau gouvernement et se disant que désormais les ouvriers seraient matés, décida une baisse de 3 0/0, accula ses ouvriers à la grève et refusa de rien céder. Il l’emporta : quelques renégats l’y avaient aidé, en continuant de travailler.
Or, cinq ans plus tard, en janvier 1857, quatre ouvriers sont exclus d’une société de secours mutuels qui avait été formée entre tous les salariés de l’usine. Et les membres de la société avouent qu’ils les excluent, parce qu’ils ont travaillé pendant la grève.
C’est le patron qui dénonça le fait dans une pétition qui nous est restée. Cette pétition, tout en révélant une mentalité patronale assez amusante, éclaire d’un jour vif les tentatives des ouvriers à l’intérieur des sociétés de secours mutuels. « Il ne se prend, écrivait le patron, nulle mesure dans nos manufactures, que les sociétés n’en délibèrent, par leurs meneurs, dans des réunions non officielles : il ne se présente nul incident entre ouvrier et patron, que la partie ouvrière du Conseil des prud’hommes n’en délibère, ne donne consultation ; et si elle le juge à propos, elle insiste d’office (nous l’avons vu plusieurs fois pour que l’ouvrier, dans l’intérêt de tous, disent-ils,