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Page:Jaurès - Histoire socialiste, X.djvu/256

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Pendant les premiers mois de 1863, en particulier, s’il n’avait tenu qu’aux travailleurs parisiens. Napoléon III eût immédiatement engagé la guerre pour la défense de la Pologne. Ils adressaient une adresse de propagande à Czartoriski ; ils organisaient des collectes ; ils envoyaient une pétition, — mal reçue d’ailleurs, à celui qui avait en mains « l’épée de la France ». La question fut le prétexte choisi pour établir des relations nouvelles et plus constantes, plus régulières entre les deux prolétariats.

Mais, il le faut bien marquer, ce ne fut là qu’un prétexte. Depuis des mois, les ouvriers français poursuivaient obstinément leur idée de relations internationales, et il est probable que de l’autre côté du détroit, le cordonnier Ecearius, le Thüringien réfugié à Londres, ancien membre de l’Alliance des Communistes, ami de Marx et ami du trade-unioniste Odger, devait pousser dans le même sens les membres du Trades-Council. Lors donc que la question polonaise surgit, elle devint immédiatement un prétexte à manifestations communes. C’est là un fait fréquent dans l’histoire prolétarienne ! que la première rencontre des militants dans des manifestations sentimentales, d’où sort ensuite une organisation solide.

Les ouvriers français et anglais échangèrent des adresses ; mais les Français durent s’en tenir là jusqu’en juillet, lis étaient trop occupés par leur besogne électorale. En juillet, enfin, Tolain, Perrachon et Limousin, pour apporter une réponse à une adresse des ouvriers anglais, firent le voyage de Londres. Ils arrivèrent le 22 juillet et assistèrent le soir même à un meeting à Saint-James-Hall en faveur de la Pologne. Tolain a raconté ce meeting dans une lettre à l’Opinion Nationale du 25 juillet. Quand le président prononça le mot de guerre en faveur de la Pologne, un enthousiasme extraordinaire lui répondit, « Cette agitation se reproduisit lorsque la députation des ouvriers français fit son entrée. Nous nous levâmes tous comme témoignage de notre vœu ardent pour une alliance guerrière en faveur de la Pologne. » Tout le monde répudia les traités de 1815, et l’on prit jour pour un nouveau meeting où parla Odger. Odger réclama la paix du monde, la protection du travail contre le capitalisme. Il demanda des congrès internationaux, et des mesures pour empêcher que les ouvriers d’un pays ne vinssent émigrer dans un autre pays, pour y déprimer les salaires. On vota d’ailleurs l’adresse polonaise. Mais il faut signaler déjà l’esprit trade-unioniste. Dans l’organisation internationale, ce que cherchent les syndiqués anglais, c’est un moyen de défense de leurs salaires, des hauts salaires que possède l’Angleterre. Pour eux, l’internationalisme fut d’abord du protectionnisme. L’adresse votée fut répandue dans les ateliers. Ce fut pour le petit groupe de Tolain et de ses amis une occasion nouvelle de propagande.

Certainement, alors, le projet d’une association internationale régulière fut agitée ; des idées durent être échangées. Nous ne pouvons malheureusement pas suivre, au jour le jour, toutes ces relations pendant les dix-huit mois qui séparent le meeting de Saint-James Hall de celui de Saint-Martins--