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Hall. Les documents nous font défaut : mais on a quelques preuves de l’obstination que durent apporter les ouvriers français à la réalisation de leur idée. Malgré leur activité électorale, les militants parisiens ne semblent jamais l’avoir perdue de vue.

Dans le Rappel du 5 juillet 1870, à l’occasion du 3e procès de l’Internationale, M. Henri Lefort, qui semble bien avoir été poussé par les proscrits de Londres à entrer en relations avec le groupe de Tolain, a raconté qu’il avait fait le voyage de Londres en 1863 comme délégué du petit groupe « pour aller porter la proposition précise d’une Association internationale ».

M. Henri Lefort ne précise pas davantage la date, et M. Tchernoff qui la cite p. 447 et qui ne parle point du meeting de Saint-James Hall, semble disposé à voir dans cette mission le point de départ de l’Internationale.

Je crois qu’il faut placer la date de ce voyage au plus tôt à la fin de 1863 et peut-être à la fin de mars ou en avril 1864.

D’une part, en effet, si M. Henri Lefort fut chargé d’une mission et d’un projet précis pour les ouvriers anglais, il est vraisemblable que ce ne fut pas uniquement à cause de ses relations avec le proscrit Lelubez, mais que déjà des idées avaient été échangées. Il est vraisemblable que le voyage dut avoir lieu après le meeting de juillet 63.

Mais d’autre part, M. Henri Lefort lui-même a raconté qu’il fut introduit par Lelubez dans un meeting d’ouvriers anglais, présidé par Odger. et qui discutait d’un projet de réception à faire à Garibaldi. Or le voyage de Garibaldi est d’avril 1864, et je n’ai point trouvé trace dans les journaux français qui s’en occupèrent beaucoup, que ce voyage ait été résolu longtemps à l’avance.

Enfin je serais disposé à voir dans la reprise du projet d’une association internationale, la compensation de l’échec électoral du 20 mars. M. Lefort rendrait service à la science en cherchant à préciser encore ses souvenirs, sans chercher par ailleurs à exagérer l’importance de son rôle : c’est un peu son péché mignon.

Il fallut, en tous cas, plus d’un an pour qu’il devînt possible de réaliser enfin le projet depuis si longtemps mûri d’une Association internationale des travailleurs. La campagne électorale de 1864 avait réclamé tous les efforts des militants parisiens. Mais en septembre 1864, à l’occasion d’un nouveau meeting pour protester contre la politique de la Russie à l’égard de la Pologne, Tolain, Perrachon et Limousin se rendirent de nouveau a Londres, avec un projet précis pour établir au moins tout un système d’informations régulières, sur les questions intéressant, les travailleurs de tous pays. Une commission centrale devait choisir dans les grandes villes du continent une sous-commission ou un correspondant, chargé de recevoir les adhésions, de réunir les documents nécessaires « pour établir le résumé de chaque nation ».

Ce fut le 28 septembre 1864 dans un meeting nombreux et enthousiaste