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Page:Jaurès - Histoire socialiste, X.djvu/261

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vient toujours de France, même quand les Français sont les plus opprimés. »

Voici le texte de la résolution proposée par Wheeler :

« Le meeting ayant entendu les réponses de nos frères Français, nous proclamons encore leur bienvenue, et comme leur programme est de nature à améliorer la condition des travailleurs, l’acceptons comme base d’une organisation internationale. Le meeting nomme un comité, avec pouvoir de s’adjoindre d’autres membres, pour former des règlements pour une telle association. »

La résolution fut appuyée par Wheeler lui-même, et par plusieurs autres. Lelubez lut une adresse qui lui avait été envoyée par Henri Lefort. Eccarius au nom des Allemands, le major Wolff, secrétaire-général de Mazzini, au nom des Italiens, prirent encore la parole « puis le citoyen Bocquet, pour remercier le président d’avoir parlé en termes si élogieux de la Révolution française. Du reste, ajoute Lelubez, toutes les fois que ces mots ont été prononcés, les applaudissements ont été immenses ».

La résolution mise aux voix fut adoptée à l’unanimité ; un comité de 21 membres, chargé d’organiser une association internationale pour toute l’Europe, fut nommé. Parmi ses membres se trouvaient en majorité des Anglais, des trade-unionistes, dont Odger, Howell, Osborne, Lucraft, des Français comme Denoual, Lelubez, Bocquet, puis Wolf comme représentant de l’Italie, et enfin, tout dernier. « le docteur Marx ». Le comité se réunit le 5 octobre 1-864. L’Internationale ouvrière était fondée : après trois ans d’effort, de travail obstiné et méthodique c’était à cette création grandiose qu’aboutissait l’effort des militants parisiens.

On nous pardonnera d’avoir si longuement retracé cette évolution, d’avoir cité tant de textes, — les uns étaient oubliés, les autres inconnus ou perdus. Il faut que les camarades socialistes connaissent leurs origines ; et c’est dans cette création spontanée de l’Internationale qu’ils les trouveront. L’Internationale, en effet, ne procédait, encore une fois, ni d’une tradition, ni d’une idée abstraite, mais des besoins nouveaux de la classe ouvrière, c’est-à-dire, en dernière analyse, du développement capitaliste même. La Pologne ne fut qu’un prétexte ; si la volonté d’interventionnisme de la classe ouvrière rappelait encore le libéralisme démocratique d’avant 1848, l’idée dominante, inspiratrice, c’était l’entente économique de toutes ces classes ouvrières, à qui, par-dessus les frontières, le libre-échange développé apprenait non plus seulement l’identité, mais la connexité de leur sort. On parle couramment, d’autre part, du proudhonisme de Tolain et de ses camarades de Paris. Camélinat m’a affirmé qu’au moment où il collaborait à la rédaction du Manifeste des Soixante, Tolain ne connaissait pas Proudhon. Et je suis persuadé qu’un examen très attentif, et que nous ne pouvons faire ici, de toutes les formules proudhoniennes antérieures à 1864 et des