surtout, la foule élégante manifestait bruyamment son hostilité. Mais que ferait le peuple le lendemain ?
Le 3 décembre, matinée sombre, temps pluvieux. Les boutiques s’ouvrirent lentement, tard. Les troupes avaient repris leur position de la veille. Le Moniteur publiait la liste des membres d’une commission consultative instituée par le président. Elle comprenait certains hommes de la majorité conservatrice qui avaient soutenu à l’assemblée sa politique, quelques-uns cependant, comme Léon Faucher, refusèrent de se faire ses complices dans la violation des lois.
À l’Élysée, la nuit avait été mauvaise ; l’inquiétude régnait. Les visiteurs, la veille, avaient été peu nombreux. Et, parmi les amis du prince, il y avait des trembleurs. M. de Maupas, lui-même, sur les renseignements de ses agents, prêtait aux socialistes des plans effrayants ! Heureusement, M. de Morny, était là, rassurant les peureux, résolu et calme comme un beau joueur dictant à Maupas, dictant à Magnan la tactique à suivre, les opérations à accomplir. Point de patrouilles, la police seule pour épier les projets ; point d’escarmouches : la tactique des émeutiers, celle de juillet, celle de février, c’était de fatiguer les troupes, pour en avoir bon marché le troisième jour. Il faut, disait le ministre, « laisser les insurgés s’engager tout à fait, les barricades sérieuses se former, pour ensuite écraser l’ennemi et le détruire »… « Il n’y a qu’avec une abstention entière, en cernant un quartier et le prenant par famine, ou en l’envahissant par la terreur, qu’on fera la guerre de ville. » Ce sont là les dépêches qu’il envoyait à Magnan. M. de Morny envisageait froidement la guerre. Il l’attendait. Au besoin même il la susciterait : il en avait besoin.
Le 3 décembre, donc, au matin, les représentants du peuple, qui s’étaient donné rendez-vous salle Roysin, remontèrent le faubourg, la veille déjà, beaucoup d’ouvriers avaient arrêté le travail ; ils avaient fait entendre des paroles irritées. Mais que pouvaient-ils faire ? « On nous a désarmés, depuis Juin, répondaient-ils aux représentants ; il n’y a pas un fusil dans tout le faubourg ». Et, comme la résistance était impossible, ils se convainquaient plus facilement qu’elle était inutile : le suffrage universel n’était-il pas rendu ? était-ce bien à l’absolutisme, à l’Empire, qu’aboutirait le régime ainsi inauguré ? — On conduisait à Vincennes les représentants arrêtés à la mairie du Xe : ce spectacle permit aux montagnards d’émouvoir la foule. Une tentative fut faite pour délivrer les prisonniers. Ceux-ci supplièrent qu’on cessât. « Vous voyez bien qu’il n’y a rien à faire avec ces gens-là », dit à Cournet un ouvrier qui s’était lancé à la tête des chevaux.
Vers neuf heures, les représentants et leurs amis, sortirent de la salle Roysin. Ils avaient mis leurs écharpes. Ils se présentèrent dans la grande rue du Faubourg, criant : « Aux armes ! Aux barricades ! Vive la République ! Vive la Constitution ! » Une centaine d’ouvriers s’étaient joints à eux. La masse