Page:Jaurès - Histoire socialiste, X.djvu/325

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nouveau statut juridique. Elle apportait cependant quelques améliorations. Les sociétés anonymes pouvaient se former désormais sans l’autorisation du gouvernement (art. 21) ; le nombre des associés ne devant pas être inférieur à sept (art. 23), chacun ayant souscrit une action de 50 francs (art. 50) et en ayant versé le dixième (art. 51), une société anonyme à capital variable pouvait dès lors être constituée avec un capital versé de 35 francs.

Mais si la coopération apparaissait aux ouvriers comme la meilleure solution du problème social, et si une élite de travailleurs s’enthousiasmait ainsi à l’idée de supprimer le salariat, le problème immédiat demeurait celui que la loi de 1864 n’avait fait que résoudre partiellement, celui des rapports présents entre le capital et le travail, entre les salariés et les patrons.

La discussion même de la loi sur les coalitions avait montré à l’avance comment il allait désormais se poser. Comme la gauche l’avait signalé, les ouvriers avaient obtenu le droit de coalition. Mais ils n’avaient ni le droit de réunion, ni le droit d’association ; et, comme les coalitions leur faisaient une nécessité et de se réunir et de s’associer, la loi de 1864 pouvait être dénoncée comme un « traquenard ». En 1804, le 8 juillet, six semaines après la promulgation de la loi, la Société de bienfaisance des portefaix de Marseille se trouvait condamnée pour avoir imposé à ses membres de ne prendre un emploi qu’avec son assentiment. Quelques mois plus tard, en 1805. comme les veloutiers de Saint-Étienne, en grève, avaient institué des sections et des groupes de moins de 20 membres, pour maintenir la cohésion de la grève par un moyen plus sûr que des réunions publiques, les six membres du comité de grève furent condamnés à des peines d’emprisonnement, variant de trois mois à un mois. « La coalition, déclarait le tribunal, suppose seulement une entente accidentelle, mais non point une organisation de la nature de celle qui est soumise au tribunal, organisation en quelque sorte permanente et indéterminée ».

Les tribunaux poursuivant tout ce qui pouvait ressembler à une association, force était de se rabattre sur les réunions. Cette fois, le caprice administratif remplaça l’arbitraire des tribunaux : selon les villes, les autorisations demandées par des ouvriers, grévistes ou non, de s’assembler pour discuter des conditions du travail furent accordées ou refusées. Ce dernier cas était le plus fréquent. Les ouvriers de toutes nuances, ceux de l’Opinion nationale et ceux du Pays, tout comme les Internationaux, demandèrent le droit de réunion et le droit d’association.

A la fin de 1864, le gouvernement, sollicité au moins de se montrer tolérant, avait encore brutalement rappelé que la loi refusait aux ouvriers les droits qu’ils revendiquaient. Mais peu à peu, par la manière dont ils conduisaient les grèves, par leur tactique méthodique, calme, obstinée, les travailleurs s’imposaient à l’attention de leurs adversaires et maîtres. Les luttes des corporations parisiennes, de 1864 à 1866 pour les dix heures, celle des bronziers surtout, avaient frappé l’opinion publique. L’opposition patronale