montrer à la masse parisienne que c’étaient les aristocrates, les « gants jaunes » qui s’étaient opposés à l’établissement d’un Gouvernement tout dévoué au peuple. Il aurait pu insister davantage sur le fait que tous les militants, tous les chefs, aimés des ouvriers parisiens et capables de les entraîner, avaient été exilés, emprisonnés, depuis les massacres de juin jusques et y compris la journée du 2 Décembre au matin. Et cependant, malgré leur isolement, tous les jeunes, tous les énergiques trouvèrent encore le courage de combattre. « Cela suffit », conclut M. Tchernoff, à enlever « tout crédit à l’opinion qui tend à présenter les ouvriers comme acquis à la cause bonapartiste ».
Une réserve est cependant nécessaire. On peut citer cet épisode : le 2 décembre, des insurgés ayant assailli un poste de soldats, près de la mairie du Ve, furent, à leur tour, assaillis par des ouvriers. Proudhon a souvent cité avec amertume ce mot d’un ouvrier : « Barbès a demandé pour nous un milliard aux riches : Bonaparte nous le donnera ». On se rappelle encore l’hésitation des ouvriers du Faubourg Saint-Antoine, le matin du 3. Et Beslay rapporte dans ses Souvenirs la réponse de ceux qu’il tentait d’exciter à la résistance : « C’est à vous autres, bourgeois, à vous montrer. Qu’avez-vous fait pour nous depuis dix-huit mois ? Vous avez essayé de nous enlever le suffrage universel ». (page 239.).
Ce qui semble la vérité, c’est que tous les militants, tous les ouvriers conscients de l’avenir de leur classe, furent unanimes dans la lutte contre le président. En dépit de toutes les légitimes rancunes qu’ils pouvaient conserver contre les républicains modérés qui avaient brisé leurs forces, ils résistèrent au coup d’État. Mais ils ne pouvaient plus, comme en 1848, gagner les timides, les indifférents, les inconscients, la masse en un mot, qui forme les majorités, et qui, par ses entraînements, donne la force aux partis. La politique des dernières années avait enlevé toute confiance à cette foule redevenue indifférente : la propagande républicaine, renouvelée, n’avait pas encore eu le temps de lui rendre ses espérances. Et ce n’étaient point les inquiétudes politiques des petits bourgeois parisiens qui pouvaient les décider à se soulever. Mais la bourgeoisie républicaine est mal venue encore une fois à reprocher aux ouvriers socialistes d’avoir trahi la République : tous ceux qui politiquement avaient encore le courage de penser et de lutter — et il ne peut s’agir que de ceux-là — se trouvèrent au premier rang, dans sa bataille.
Paris vaincu, traditionnellement, la France devait l’être. Mieux encore qu’une révolution, un coup d’État, et surtout savamment, longuement préparé comme celui-là, devait s’imposer, sans résistance, à tout le pays, dès l’instant qu’il l’avait été à Paris. En l’espèce, les éléments conservateurs, soutiens du prince-président, devaient assurer en province un éclatant