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Si L’Internationale française était à peu près dissoute, la grande association n’en avait pas moins poursuivi ses progrès à l’étranger. Du 6 au 13 septembre 1868, le troisième Congrès général s’était tenu à Bruxelles. Cent délégués s’y étaient retrouvés. De France étaient venus dix-huit représentants parmi lesquels Tolain, Murat, Theiz, Pindy, Longuet, Albert Richard, de Lyon ; Aubry, de Rouen, et, nous l’avons dit, Tartaret l’ébéniste, le Tartaret de la commission ouvrière de l’Exposition de Paris.

On sait l’importance capitale du Congrès de Bruxelles, dans l’histoire des idées socialistes. L’Internationale y adhéra au collectivisme. Le 3e Congrès décida en effet.

A. — Relativement aux mines de houille et aux mines métallurgiques : que ces grands moyens de travail étant attachés au sol qui est un domaine gratuitement livré à toute l’humanité, que ces moyens étant d’une importance telle qu’ils exigent que ceux qui en détiennent le monopole se voient placés en face des droits de ceux qu’ils exploitent ; que ces moyens de travail exigent des machines, donc l’effort collectif d’un grand nombra d’hommes ; que, par conséquent : 1° les charbonnages, les mines, les chemins de fer devaient appartenir à la collectivité sociale, c’est-à-dire à l’État soumis à la loi de la justice ; 2° l’État ne devait pas les livrer à des Compagnies capitalistes, mais à des Compagnies ouvrières, moyennant un double contrat : l’État exigeant l’exploitation rationnelle et scientifique au prix coûtant, et le contrôle de la comptabilité ; — l’État fixant les droits réciproques des membres de la Compagnie et de la collectivité.

B. — Relativement au sol agricole, on décida que l’exploitation en grand étant rentable et nécessaire, et la puissance productrice du sol étant la source de toute richesse, sans être produite par un homme, il fallait que le sol fût propriété de l’État ; que c’était là une nécessité sociale et que des sociétés ouvrières agricoles devaient être fondées, à qui l’État céderait le sol avec des conditions de garanties pour la collectivité et pour les individus.

C. — Relativement aux canaux, aux routes, aux lignes télégraphiques, le Congrès décida de même qu’ils devaient appartenir à l’État.

D. — Relativement aux forêts abandonnées aux particuliers et dont la dévastation, résultat de cet abandon, bouleverse le système hydrographique, qu’elles doivent appartenir à l’État.

Par une résolution spéciale, touchant les machines, le Congrès déclara qu’au lieu d’être des instruments d’extorsion aux mains des capitalistes, elles devaient permettre la substitution d’un système de production vraiment social au système du salariat, qu’on y arriverait par les sociétés coopératives et l’organisation du crédit mutuel, mais qu’en attendant, les sociétés de résistance auraient à fixer moyennant quelles garanties pour les ouvriers les machines pourraient être introduites.

C’était le triomphe du collectivisme. Il importe cependant de marquer avec James Guillaume (L’Internationale 1, 66) que le Congrès dans sa majorité, restait mutualiste en ce qui concerne l’indication des moyens à employer pour