Page:Jaurès - Histoire socialiste, X.djvu/364

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

thodes qui leur semblaient devoir le plus rapidement entraîner les foules, réveillées vers la République sociale.

A Rouen, tout d’abord, Aubry se contenta de rédiger un programme de revendications. A Marseille, un vieux proscrit, Leballeur-Villiers, se présenta bien comme candidat contre Gambetta ; mais Bastelica lui-même écrivait dans ses lettres qu’il voterait pour le tribun. A Lyon, on avait eu l’idée de candidatures ouvrières, mais Bancel bientôt avait posé la sienne et l’enthousiasme républicain qu’il avait suscité chez les électeurs lyonnais, avait fait hésiter les socialistes. « Après s’être demandé, raconte Richard dans sa brochure sur le Socialisme à propos des élections de 1869 (Lb 50/2333), s’ils devaient tenir aucun compte de ce grand mouvement politique et l’entraver au besoin pour marcher directement à leur but, l’affranchissement du travail, ils se firent une réponse négative ». Le premier mouvement avait été celui qu’inspirait la malveillance et l’hostilité foncières des chefs républicains lyonnais ; à la réflexion, la meilleure politique, la politique de pénétration socialiste, si habilement pratiquée par les travailleurs parisiens, était apparue. Les socialistes lyonnais pas plus que les autres n’avaient le goût de l’abstention. Ils se rappelèrent que Bancel représentait la liberté politique et que la liberté politique était nécessaire au développement du socialisme. Ils soutinrent donc l’illustre proscrit : mais ils lui demandèrent d’adhérer à trois points de leur programme, à trois de leurs revendications qui leur semblaient trois conditions nécessaires de la liberté sociale : l’impôt proportionnel et progressif, la suppression des monopoles d’État, la création, pour juger des différends entre patrons et ouvriers, de tribunaux d’arbitrage chargés de déterminer les salaires, de fixer la journée de travail, enfin « d’assurer du travail à tout le monde, même aux dépens des capitalistes si cela était nécessaire ». Bancel fit quelques réserves ; les internationaux purent cependant en faire leur candidat.

A Paris, enfin, si les Proudhoniens s’attardèrent encore aux tentatives de candidatures ouvrières, comme celle de Briosne, les collectivistes n’eurent qu’un souci, à savoir que « le parti socialiste s’affirmât ». L’essentiel parut de formuler les revendications socialistes, et ce fut le but d’un manifeste signé de membres de l’Internationale, parmi lesquels il faut relever Bourdon, Fruneau, Héligon, Parent et Varlin. Ils réclamaient une entente de tous les socialistes pour l’établissement « d’un programme commun » ; et c’était en vue de ce programme qu’ils formulaient treize réformes urgentes, entre autres la suppression des armées permanentes, la suppression du budget des cultes, l’élection des magistrats, l’établissement de l’impôt progressif, « l’expropriation de toutes les compagnies financières et l’appropriation par la nation, pour les transformer en services publics, de la banque, des canaux, chemins de fer, roulages, assurances, mines ».

Les résultats du scrutin, on le sait, comblèrent les espérances républicaines. A Paris, Gambetta, Bancel, Picard, Raspail, Ferry, Jules Favre,