Page:Jaurès - Histoire socialiste, X.djvu/373

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ne pourraient se transformer eu gouvernement », l’autre au contraire, comme nos modernes syndicalistes révolutionnaires, faisant de la société de résistance la cellule élémentaire de la société future. Mais tous se trouvaient unanimes pour pousser activement à l’organisation et à la fédération des sociétés de résistance, et la résolution proposée n’indiqua que cela. Elle fut donc unanimement acceptée.

Mais ce n’est point par le texte de leurs résolutions, ce n’est point par leurs déclarations théoriques ; c’est, avant tout, on le sait, par les rapprochements qu’ils établissent entre les militants, par les sentiments de confiance, d’espérance qu’ils éveillent dans les cœurs, que les Congrès ouvriers peuvent exercer sur un mouvement une réelle influence. À Bâle, Varlin entra dans l’intimité des Bakouninistes ; il commença de participer à l’action collective que ces révolutionnaires poussaient sourdement à travers les sections de l’Internationale. D’autres relations s’établirent aussi, qui convainquirent les militants français de l’importance internationale de leur tâche. Mutuellistes et proudhoniens se trouvaient unanimes sur la nécessité de la liquidation sociale ; et les uns et les autres pensaient qu’elle devait commencer pendant la révolution anti-impérialiste. Tous vivaient dans la certitude que la chute de l’Empire était proche. L’Internationale décida que le prochain Congrès jurait lieu à Paris, le premier lundi de septembre. « Nous n’avons pas besoin d’insister, écrivait alors James Guillaume (Cf L’Internationale, 1, 195) sur la signification de ce vote. L’heure de la grande émancipation politique, sociale et religieuse approche ! »

On conçoit dans quels sentiments, après ces rencontres, après leurs longues et passionnées conversations avec les camarades de l’étranger les délégués français devaient reprendre leur tâche. Leur courage se trouvait une fois encore stimulé ; leur tâche leur semblait d’autant plus grande, d’autant plus importante pour l’avenir du monde qu’ils sentaient l’intérêt de tous les ouvriers européens tourné alors vers la grande lutte révolutionnaire qui s’engageait en France. Vingt-sept ans plus tard, lorsqu’il écrivait son article sur les Débuts du parti socialiste français (Revue politique et parlementaire, 1897, I, p. 65), Albert Richard avait gardé cette impression que « le Congrès de Bâle ouvrit définitivement la période révolutionnaire qui se termina par la Commune ».

À l’heure ou ils rentraient en France, en ce milieu de septembre 1869, la situation politique était peu claire. L’Empire continuait à se débattre au milieu de difficultés de toutes sortes, tantôt essayant de réveiller les sentiments qui avaient étayé jadis son autorité, tantôt se résignant de mauvaise grâce aux concessions nécessaires. Avant les élections de mai, par les poursuites engagées contre les orateurs des réunions publiques, il avait tenir nous l’avons vu, d’agiter le spectre rouge, de ranimer la peur de la révolution sociale. Mais si la bourgeoisie libérale redoutait le socialisme, elle se croyait désormais assez forte pour le contenir ou le gagner, sans avoir besoin d’un