Grève des vanniers et des layetiers à Marseille, grève des tisseurs à Elbeuf, en septembre et octobre. Au début d’octobre, Varlin en compte trois à Paris ; et il en note encore une autre à Rives-de-Gier (Troisième Procès p. 324). C’est, comme il dit spirituellemennt, « une avalanche de grèves qui leur tombent sur les bras » et il demande non sans malice à son correspondant Aubry, s’il croit toujours que les bourgeois les provoquent ! — Le 8 octobre, l’armée renouvelle le coup sinistre de la Ricamarie : aux mines d’Aubin, dans l’Aveyron, les soldats, effrayés d’une manifestation, tuent quatorze hommes et en blessent une vingtaine : l’enquête établit même que certains ont tiré plusieurs fois.
Mais, même lorsqu’ils ne font pas appel aux chassepots, les patrons luttent avec une obstination nouvelle. Certains, sans doute, voudraient bien créer des embarras au régime : mais, Varlin a raison, la grève n’est point de ces embarras ; et elle tendrait plutôt, lorsqu’elle éclate, à rejeter les maîtres du côté de l’Empire, sauveur de l’ordre et de la propriété. A Paris, les conflits prennent un caractère d’âpreté sauvage. Les patrons résistent à outrance : en novembre, les brossiers pour peintures succombent après sept semaines de grève ; les tisseurs en canevas tiennent plus de dix semaines ; les mégissiers sont en lutte depuis le 15 juillet.
C’est surtout ce conflit des mégissiers qui dans les derniers mois de l’année 1869 passionne les travailleurs parisiens. Les mégissiers palissonneurs, qui s’étaient mis en grève en juillet, demandaient un relèvement de tarifs ; au mois d’octobre, les mégissiers de rivière demandent à leur tour une augmentation de 1 franc, soit 6 francs par jour pour 10 heures, et se joignent à leurs camarades. Il y a ainsi environ 800 grévistes. Toutes les corporations parisiennes vident leurs caisses pour les soutenir. Mais les membres de la chambre syndicale patronale des cuirs et peaux se solidarisent pour indemniser les patrons mégissiers des pertes subies et il ne paraît pas impossible à Varlin « que toutes les chambres syndicales des patrons qui composent ce qu’ils appellent l’Union nationale du commerce et de l’industrie se soient liguées pour couler les sociétés ouvrières, en leur faisant épuiser leurs caisses par plusieurs grèves interminables » (Troisième procès, p. 29). « Il ne s’agit plus dans ce cas, écrivait-il encore à Richard, le 1er décembre 1869, d’un différend entre patrons et ouvriers mégissiers, mais bien d’une lutte engagée entre les sociétés ouvrières et les chambres syndicales des patrons ». En décembre la grève échoua et échoua également le projet d’association corporative lancé en dernière heure par les syndicats parisiens. Le tout avait coûté à ces derniers plus de 86.000 francs.
Est-ce de l’argent, des efforts perdus ? Oh ! que non pas. Si, au point de vue matériel, comme l’écrit Varlin, « la grève n’est qu’un cercle vicieux dans lequel les efforts des ouvriers semblent tourner indéfiniment », à un autre point de vue, celui de « l’organisation des forces révolutionnaires du travail, elle est le moyen par excellence ». C’est de la grève des mégissiers, c’est du