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Page:Jaurès - Histoire socialiste, X.djvu/394

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Varlin, s’engagea à ne rien provoquer « sans s’être entendu avec eux » ; et des dispositions furent prises pour empêcher les camarades de Lyon, de Marseille et de toute la province de partir à faux, eux aussi, et pour rendre leur effort le plus efficace possible. « Le concours de la province, écrivait Varlin, pourra nous être très utile pour faire diversion et déconcerter le gouvernement ». (loc. cit. p. 41).

La lutte, ils le sentaient, n’était qu’ajournée, et les craintes de la bourgeoisie devaient la rendre plus difficile encore. « Nous serons d’autant plus prudents, disait encore Varlin dans la même lettre, que nous nous sentons seuls. Nous devrons du même coup abattre toutes les têtes de l’hydre ; mais il ne faut pas que nous les manquions et c’est pourquoi nous hésitons » (19 janvier 70).

Quelques jours plus tard, les socialistes parisiens allaient se demander encore une fois si la bataille décisive n’était pas sur le point d’être engagée.

Le 18 janvier, le Corps législatif avait autorisé des poursuites contre Rochefort ; le 22, la 6e chambre l’avait condamné à six mois de prison et 3.000 fr. d’amende. Le 7 février, on l’arrêtait à Belleville, au moment où il se rendait à une réunion publique ; et Flourens, se déclarant en état d’insurrection contre l’Empire « pour la défense des lois et du suffrage universel », appelait les faubourgs aux armes. Le 8 au matin, la Marseillaise publiait un appel, signé de la plupart de ses collaborateurs (relevons les noms de Dereure, de Millière et de Varlin) et où ceux-ci affirmaient qu’ils continueraient à tenir haut et ferme « le drapeau de la démocratie socialiste, de la revendication implacable ». Le soir, la police arrêta tous les rédacteurs présents dans le bureau du journal.

Le même jour, une délégation ouvrière était allée trouver plusieurs députés de la gauche pour leur demander de démissionner. « Si les députés s’étaient rendus à cette invitation, écrivait Varlin le lendemain (lettre à Richard) c’était le signal d’un soulèvement général. Les ouvriers sont prêts. Un acte des députés bourgeois aurait entraîné la bourgeoisie ; en présence de l’unanimité du soulèvement, l’armée aurait sans doute hésité et la Révolution était faite ». La démarche, on le voit, échoua.

Le 9, cependant la foule allait grandissant. Çà et là de petites barricades, vite emportées, s’élevaient. Les craintes d’une collision sanglante augmentaient d’heure en heure.

Mais l’issue de la bataille n’était que trop certaine, après avoir ainsi tardé deux jours à éclater. Le soir du 9, les journaux démocratiques publiaient un appel au calme signé des membres de l’Internationale. (Adam, Chalain, Combault, Davoust, Johannard, Landrin, Benoit Malon, Martin, Périer, Pindy). « La Révolution morale, disaient-ils, est faite. À toutes opinions honnêtes nous disons : la ruine, l’abaissement, la honte vont finir. La Révolution, on peut le dire, en est à son prologue… Décidés que nous sommes à payer de nos personnes le succès de la Révolution, nous le disons sincèrement, le