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Page:Jaurès - Histoire socialiste, XI.djvu/130

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« Il y avait dans l’Allemagne un mécontentement sourd, une volonté très arrêtée de se reconstituer, et il est clair, Messieurs, que cette vieille organisation caduque et à demi-vermoulue qu’on appelle la Confédération germanique, et qui, en ce temps de chemins de fer, se mouvait avec une vitesse d’une demi-lieue tout au plus à l’heure, la Confédération germanique ne pouvait plus suffire aux besoins modernes : elle était condamnée, oui condamnée — et je ne rappellerai pas ici tous les faits qui justifient cette opinion — elle était condamnée, et deux grandes puissances étaient en présence. Or, l’Allemagne, elle, est allée dans ce conflit, à l’esprit nouveau ; non que j’aie la simplicité de faire de M. de Bismarck un libéral, et cependant, M. de Bismarck l’était certainement plus que le cabinet autrichien au mois de mai 1866. L’Autriche, depuis, a eu le bon sens d’entrer dans les voies de la liberté, de secouer le joug que l’Église voulait lui imposer. Tous les hommes qui sont amis du progrès s’en sont félicités ; mais il lui a fallu pour cela l’expérience du malheur, et lorsqu’elle a engagé le combat, soyez sûrs. Messieurs, que la victoire était à l’avance acquise à celui qui représentait les idées les plus fécondes, celles de l’avenir.

« De telle sorte que, si je recueille en moi-même les résultats de ces grands événements, voici à quelles conclusions j’arrive : si, en effet, l’Allemagne était travaillée par un besoin impérieux, elle doit être apaisée ; si l’Autriche était mal organisée, instruite par la rude leçon du malheur, elle est revenue à une meilleure organisation. Et, Messieurs, nous avons pu nous en convaincre dans une circonstance solennelle : notre souverain est allé à Salsbourg, il a cherché à s’entendre avec l’empereur d’Autriche… Je n’exerce ici aucune espèce de critique, je constate des faits : c’est que la France a cherché auprès d’un souverain étranger un appui guerrier, on ne peut pas le méconnaître ; c’est que l’Autriche, préoccupée de la réorganisation de son Empire, n’a pas voulu entrer en lice, c’est encore incontestable, et qu’ainsi une garantie considérable était conquise à la paix. Ainsi la guerre ne peut pas venir du côté de l’Autriche, qui ne veut pas s’associer à nous ; la Prusse commettrait-elle l’étourderie de nous menacer ? Ah ! oui, il y aurait un moyen de la pousser à cette extrémité, qui serait aussi périlleuse qu’insensée. Ce serait de lui montrer l’épée de la France ; l’épée de la France ne menacerait pas seulement la Prusse, elle irait au cœur de l’Allemagne. C’est au cœur de l’Allemagne que je veux aller aussi, mais par la liberté (ah ! ah !), par la souveraineté nationale, par la participation de cette Chambre aux affaires de notre pays ; pour la plus grande expansion de cette loi salutaire qui fait que le principe du droit et du pouvoir est dans l’ensemble des citoyens qui composent une nation. (Approbation à la gauche de l’orateur.)

« On vous l’a dit avec raison : depuis que la France est entrée dans cette voie, il est certain que les ressentiments qui paraissent exister de l’autre côté du Rhin ont considérablement diminué. D’ailleurs, alors même que ces ressentiments existeraient, serait-ce une raison pour nous de repousser la politique