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Page:Jaurès - Histoire socialiste, XI.djvu/14

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L’étourderie criminelle et la folie provocatrice de l’Empire français lui fournirent le prétexte attendu. Le roi de Prusse lui ayant télégraphié d’Ems qu’il n’avait pas cru pouvoir déférer à la dernière demande du gouvernement français et qu’il avait déclaré à M. Benedetti que toute conversation ultérieure sur ce sujet lui semblait inutile, M. de Bismarck transmit à ses principaux représentants à l’étranger un résumé de cette dépêche, il en avait, par quelques éliminations, aggravé le ton.

Le gouvernement impérial, averti par ses agents à l’étranger, vit dans l’envoi de cette dépêche une insulte à la France, et il proposa au Corps législatif, une demande de crédits pour la mobilisation de nos forces. C’était la guerre. Elle fut déclarée le 15 juillet 1870, malgré l’opposition clairvoyante et patriotique du petit groupe républicain et de M. Thiers.

La deuxième quinzaine de juillet fut employée des deux parts à la mobilisation et à la concentration des armées.

Toute l’Allemagne s’unit à la Prusse et aux contingents de l’Allemagne du nord, prussiens, hanovriens, hessois, se joignirent ceux de l’Allemagne du sud, de la Bavière, de Wurtemberg et de Bade.

Les troupes de première ligne, divisées en trois armées, s’élevaient à environ 450.000 hommes ; ces trois armées, ayant franchi le Rhin, se trouvaient au commencement d’août dans le Palatinat bavarois et la Prusse rhénane, le long de notre frontière alsacienne et lorraine du nord-est. La première armée, à droite, était entre la Sarre et la Moselle, sous les ordres du général Steinmetz. La deuxième armée, la plus considérable, sous les ordres du prince Frédéric-Charles, était en face de Saarbrück, sur la rive droite de la Sarre. La troisième armée, commandée par le prince royal, était à la hauteur de Wissembourg, tout près de la rive gauche du Rhin. Ces trois armées, voisines l’une de l’autre, pouvaient aisément se soutenir, compléter réciproquement leurs informations, combiner, s’il était nécessaire, leurs mouvements. C’était comme les trois branches d’un trident qu’une même volonté pouvait mettre en mouvement. Le roi de Prusse commandait en chef, assisté par M. de Moltke, chef de l’État-major général.

L’armée française était beaucoup moins nombreuse, ses forces de première ligne ne s’élevaient guère qu’à 250,000 hommes et elles furent disséminées sur une vaste étendue, de Saarbrück à Belfort, c’est-à-dire sur toute l’étendue de la frontière nord-est et est de l’Alsace. On eut dit, suivant le mot du général Niox : « un cordon de douaniers ».

Cette armée insuffisante était divisée en sept corps. Le premier, commandé par le maréchal de Mac-Mahon, avait pour centre Strasbourg et faisait face aux environs de Wissembourg à l’armée du prince royal. Au nord de Metz, le deuxième corps avec le général Frossard, le troisième avec le maréchal Bazaine, le quatrième avec le général de Ladmirault, le cinquième avec le général de Failly et la garde impériale avec Bourbaki formaient un groupe important. Le