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reste n’était pas sur le théâtre immédiat des opérations. Le septième corps, commandé par le général Félix Douay, était à l’extrémité méridionale de l’Alsace, à Belfort.

Le sixième corps s’organisait à Châlons sous le commandement du maréchal Canrobert.

L’Empereur, assisté du maréchal Lebœuf, ministre de la guerre, qui faisait fonction de chef d’état-major général, dirigeait l’ensemble, de sa volonté molle et de sa main déjà tremblante.

L’armée française, mal approvisionnée, livrée tout d’abord au pèle-mêle et au désordre d’une mobilisation à peine préparée, n’avait pu prendre la rapide offensive que quelques-uns avaient annoncée, franchir le Rhin à Strasbourg et pénétrer par le grand-duché de Bade dans l’Allemagne du Sud. C’est elle qui subit dès les premiers jours d’août le choc de l’invasion.

Il y eut d’abord à Saarbrück, le 2 août, un engagement insignifiant. C’est le 4 août, à l’autre extrémité de la ligne prussienne, que s’ouvrirent vraiment les hostilités. Le corps de Mac-Mahon, groupé autour de Strasbourg, avait à Wissembourg, à l’extrême pointe, la division Abel Douay, celle-ci fut surprise par l’armée du prince royal, 5,000 Français résistèrent vaillamment à 40,000 Allemands ; mais ils durent plier enfin après une journée d’âpre combat. Décimée, ayant perdu son chef qui fut tué à la tête de ses troupes, la division se rabattit sur le gros des forces de Mac-Mahon.

Le maréchal essaya d’arrêter la marche de l’ennemi, il s’établit aux villages de Wœrth, de Freschviller et de Reischoffen, un lieu au sud de Wissembourg et au nord de Strasbourg. Mais ses 46.000 hommes et ses 120 canons ne purent soutenir l’effort des 120.000 hommes et des 300 bouches à feu de l’armée allemande. C’est en vain que deux régiments de cuirassiers et deux escadrons de lanciers se jetèrent contre l’ennemi en une charge héroïque. Ils furent anéantis et le Maréchal, qui n’avait jamais mesuré la force numérique de l’ennemi, ni ménagé à temps sa retraite, fut obligé enfin, après une défaite aggravée en désastre, de se retirer de l’Alsace et d’emmener de l’autre côté des Vosges cette pauvre armée admirable, brisée et saignante, dont l’imprévoyance de tous les chefs, politiques et militaires, avait fait en quelques jours une cohue et une épave.

Le jour même où l’armée de Mac-Mahon succombait sur les bords du Rhin à la force numérique de l’ennemi, le général Frossard était battu sur la Saar, quoiqu’il eut au moins pendant une partie de la journée la supériorité du nombre. Il était établi sur les hauteurs abruptes de Spickeren. Une division de l’armée allemande, qui ne soupçonnait pas la force du corps d’armée du général Frossard, vient se heurter à lui imprudemment, mais peu à peu, au grondement du canon, les divisions les plus voisines de l’armée de Steinmetz accourent et le général Frossard, qui n’a pas pris à temps l’offensive, a à subir des assauts toujours plus vigoureux. Le maréchal Bazaine, qui est sur sa gauche à deux