heures de marche, le laisse lutter seul soit par insouciance et incapacité, soit que, déjà obsédé de vanité et d’ambition, il ne s’intéressât qu’aux actions où il pouvait jouer le premier rôle et recueillir toute la gloire. Frossard est obligé, enfin, à la nuit tombante, de battre en retraite.
Ainsi l’ennemi, maître de l’Alsace, pouvait pénétrer en Lorraine. De nos deux armées, l’une, celle de Mac-Mahon, était en fuite, l’autre, celle de Bazaine à peu près intacte encore, était obligée à la retraite.
Deux grands coups frappés le même jour l’un sur le Rhin, l’autre sur la Saar ébranlaient la fortune de la France.
Le plus grave c’est que ces deux armées, celle de Mac-Mahon, celle de Bazaine, sont maintenant séparées de façon définitive ; non seulement elles ne peuvent plus se fondre pour une action commune et racheter par cette concentration l’insuffisance numérique de l’ensemble de nos forces, mais elles ne peuvent plus communiquer l’une avec l’autre et elles vont être livrées par cet isolement, ou à la démoralisation, ou aux calculs égoïstes d’un chef ambitieux.
Au témoignage du grand État-major allemand et notamment de son chef, M. de Moltke, Mac-Mahon aurait pu, après Wissembourg, au lieu de descendre jusqu’à Neufchâteau, rejoindre par Lunéville la ville de Metz et l’armée de Bazaine. « Le 9 août, dit M. de Moltke, la ligne du chemin de fer de Lunéville à Metz était encore libre, mais, ajoute-t-il, le bruit courait que les Allemands s’étaient déjà montrés à Pont-à-Mousson et le moral de ses troupes était tel qu’il ne pouvait songer à les remettre de suite en contact avec l’ennemi.
Du moins, puisque le maréchal Mac-Mahon, passant de la vallée de la Moselle et de la Meuse dans la vallée de la Marne, rassemblait toutes ses forces au camp de Châlons, la concentration des armées françaises aurait pu s’opérer encore si le maréchal Bazaine avait, lui aussi, amené à Châlons son armée. Elle pouvait aisément aller de Metz sur Verdun, de là sur Châlons. Ce fut la première pensée de Napoléon III et du grand quartier impérial français. Mais, d’une part, l’Empereur craignait sans doute que la retraite générale de ses forces n’achevât de ruiner dans l’opinion française, surtout dans l’opinion parisienne, son crédit politique déjà chancelant ; d’autre part, le maréchal Bazaine, heureux d’exercer sur une grande armée, que la défaite de Spickeren avait à peine entamée, un commandement indépendant, n’avait pas hâte d’aller se remettre à Châlons sous l’autorité de l’Empereur. Aussi esquissa-t-il à peine, avec lenteur et mollesse, le mouvement de retraite sur Verdun ; il permit que son arrière-garde attaquée à Borny, au lieu de se borner à couvrir la retraite commencée sur Metz et de Metz sur Verdun, soutint une grande bataille peu à peu élargie par des forces nouvelles qui se retournèrent vers l’ennemi. Les soldats français soutinrent très énergiquement la lutte, mais le mouvement de