Page:Jaurès - Histoire socialiste, XI.djvu/165

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souveraineté. Le traité de Prague prévoyait la possibilité, pour les États du Sud, de former entre eux une Confédération. C’était une concession à la France et à l’Autriche : car elles pensaient que si les États du Sud se fédéraient, ils céderaient moins aisément à l’attraction de Berlin et pourraient maintenir, entre la Prusse et l’Autriche, une sorte d’équilibre. C’était comme un moyen détourné de prolonger, en la simplifiant, la vieille Confédération germanique. M. de Bismarck, à vrai dire, affectait de ne point s’inquiéter de cette Fédération du Sud, soit qu’il voulût ménager les susceptibilités de ces États en respectant la liberté de leurs décisions, soit qu’il pensât, comme il le dit dans une conversation avec M. de Hohenlohe, que même par cette voie le Sud se rapprocherait de la Confédération du Nord, soit surtout qu’il comprit que la tentative ne pouvait pas aboutir.

M. de Hohenlohe, devenu ministre en Bavière au commencement de janvier 1867, souhaitait l’accord du Sud et du Nord. Mais il se heurtait à la défiance des autres États qui craignaient que la Bavière jouât dans la Fédération du Sud un rôle prépondérant et absorbant. Aussi se bornait-il tout d’abord à proposer que les quatre États : Bavière, Wurtemberg, Hesse et Bade s’allient par un traité collectif d’alliance à la Confédération du Nord et soient représentés dans le Conseil fédéral présidé par la Prusse. Il n’était question ni d’avoir des députés au Parlement politique commun, ni même de former un Parlement du Sud. C’était une tentative bien hésitante et incertaine, et celle-ci même avorta. M. de Hohenlohe aurait voulu que l’Allemagne, ainsi rapprochée de l’unité, conclût une alliance avec l’Autriche. C’eût été un baume sur les blessures de 1866, la réconciliation de tous les frères allemands, une garantie pour la paix de l’Europe ; car qui aurait pu songer du dehors à troubler le travail de l’unité allemande quand tous les Allemands auraient été alliés, quand l’Autriche serait entrée dans le jeu de l’unité allemande ?

Mais ni M. de Hohenlohe ni M. de Bismarck n’avaient rien à offrir à M. de Beust, et celui-ci refusa avec humeur une combinaison qui aurait été pour lui, croyait-il, une duperie. On se bornait, en effet, à lui garantir que les Allemands d’Autriche ne seraient pas sollicités à sortir de l’Empire autrichien, et cette offre lui semble presque insultante. Dans le Wurtemberg, les démocrates les plus hardis avaient d’autres vues. Ils rêvaient d’unir le Sud, mais par le renversement simultané de toutes les dynasties ; la Fédération des Républiques allemandes se rattacherait à la Suisse républicaine, et ainsi un bloc de liberté et de démocratie serait formé, avec lequel, et la France, et la Prusse, et l’Autriche seraient obligées de compter. Mais où était la force de révolution capable de former ce bloc ? Il n’y aurait eu, semble-t-il, qu’un moyen de fédérer le Sud sans délai : c’eût été que la Bavière prît dans le Sud une initiative analogue à celle que la Prusse avait prise dans le Nord, mais dans un esprit plus démocratique. La Bavière aurait sommé les États du Sud de s’unir et d’instituer un Parlement commun dont l’activité