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Page:Jaurès - Histoire socialiste, XI.djvu/195

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efforcez-vous d’obtenir que Sa Majesté conseille au prince de Hohenzollern de revenir sur son acceptation. »

Le ton est plus pressant dans la lettre particulière écrite aussi le 7 juillet et que M. de Gramont fait porter à M. Benedetti par M. Bourqueney. « Si vous obtenez du roi qu’il révoque l’acceptation du prince de Hohenzollern, ce sera un immense succès et un grand service. Le roi aura, de son côté, assuré la paix de l’Europe. Sinon, c’est la guerre. »

Dans la même lettre, il dictait une formule impérieuse et brutale. « Il faut absolument que vous obteniez une réponse catégorique suivie de ses conséquences naturelles. Or, voici la seule qui puisse nous satisfaire et empêcher la guerre :

« Le gouvernement du roi n’approuve pas l’acceptation du prince de Hohenzollern, et lui donne l’ordre de revenir sur cette détermination prise sans sa permission. »

Évidemment, c’est d’une démarche du roi de Prusse que M. de Gramont attend le retrait de la candidature Hohenzollern ; et comment supposer en effet que le prince Léopold, ayant délibérément et après réflexion accepté la couronne d’Espagne, ayant obtenue cet effet l’assentiment du chef illustre de la maison de Hohenzollern, reviendra sur sa décision si le roi de Prusse lui-même ne l’y invite pas ? Mais ce que M. de Gramont ne dit pas à M. Benedetti, c’est si cette démarche du roi de Prusse lui paraît nécessaire comme condition du retrait de la candidature, ou s’il tient à cette démarche pour elle-même et parce qu’elle constitue un échec visible du roi de Prusse. Est-ce le résultat surtout qui le préoccupe ? ou le moyen par lequel ce résultat sera procuré l’intéresse-t-il plus que le résultat lui-même ?

C’est dans cette subtilité que gît toute l’équivoque et tout le péril. M. Benedetti comprit tout d’abord que c’est le résultat final qui importait, et plus il était évident que ce résultat ne pouvait être obtenu que par une démarche du roi de Prusse, moins il était utile d’insister sur cette démarche même.

L’intervention du roi de Prusse, même si on permettait qu’elle s’essayât sous la forme la plus discrète, la plus adoucie, la plus commode à l’amour-propre royal, ressortait avec un tel éclat de la conséquence même, c’est-à-dire du retrait de la candidature, que celle-ci suffisait pleinement ; elle était à la fois un fait et un témoignage. M. Benedetti déclare que c’est en ce sens qu’il comprit les instructions de son chef. Dans la lettre de novembre 1870, qui sert de préface à son livre : Ma Mission en Prusse, il dit ceci : « Enfin, quand j’ai été envoyé à Ems, que m’ordonnaient mes instructions ? D’obtenir le désistement du prince de Hohenzollern à la couronne d’Espagne qu’il avait acceptée, et l’acquiescement explicite du roi de Prusse à cette résolution ».

M. de Gramont, dans son livre, La France et la Prusse avant la guerre, proteste contre cette interprétation : « Le comte Benedetti n’était pas chargé, comme il le dit dans sa lettre du 25 novembre, d’obtenir le désistement du