Page:Jaurès - Histoire socialiste, XI.djvu/26

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pénétrait dans Paris, le peuple parisien venait de subir une cruelle déception. Il venait d’apprendre qu’une force française qui, le 28, s’était emparée du Bourget par un coup de main heureux, avait dû le 30 abandonner de nouveau cette position. Ainsi il apprenait à la fois cet échec sérieux de l’armée de Paris, et la capitulation effroyable de Metz et l’ouverture des négociations de paix qui, engagées sous l’impression de tous ces revers, ne pouvaient aboutir qu’à la mutilation de la patrie. Il lui parut que le Gouvernement de la Défense nationale n’avait pas tiré parti des énergies, des réserves de dévouement de la grande ville, et le 31 octobre les forces révolutionnaires de Flourens et de Blanqui s’emparèrent de l’Hôtel-de-Ville, mais elles ne purent s’y maintenir, les bataillons « de l’ordre » expulsèrent de l’Hôtel-de-Ville les révolutionnaires.

Cependant l’armistice avortait, M. de Bismarck n’ayant pas voulu consentir au ravitaillement de Paris durant la suspension des hostilités et l’influence de Gambetta était redevenue prépondérante à Tours. La guerre continuait donc. Gambetta, sans se laisser abattre, renforça l’armée de la Loire. Il la porta à 80.000 hommes et décida de reprendre l’offensive vers Paris. Le général d’Aurelle de Paladine commandait. Un moment la victoire parut revenir à la France. Le 9 novembre, l’armée de la Loire délogea les Prussiens de Coulmiers, mais ce n’était qu’une surprise : 65.000 Français n’avaient trouvé en face d’eux que 22,000 Prussiens. C’était pourtant le signe de ce que pouvait une armée de secours évoluant rapidement autour de la capitale, si l’ennemi avait été forcé de disséminer ses forces par la résistance universelle du pays. Mais la chute de Metz, provoquée par la trahison, rendit disponibles les forces de Frédéric-Charles ; elle pesèrent sur l’armée de la Loire ; celle-ci comptait alors 170,000 soldats et, malgré de nouveaux efforts à Ladon à Beaune-la-Rolande, à Loigny, elle ne put garder Orléans. La retraite commença le 4 décembre. Le gouvernement se retira de Tours à Bordeaux. Mais Gambetta ne se découragea pas encore. Le général Chanzy prit le commandement de l’armée de la Loire, s’achemina vers le Mans en une retraite énergique ; sans cesse il faisait front pour arrêter l’ennemi. Au Mans, pendant deux jours, aidé de chefs vigoureux, de Gougeard, de Jauréguiberry, de Jaurès, il soutint le choc des forces prussiennes, et il se replia sur la Mayenne, mais avec la volonté de lutter encore.

L’armée du Nord, commandée d’abord par Bourbaki, bientôt par Faidherbe, poussa en décembre de courageuses pointes dans la vallée de la Somme : elle livra à Bapaume, le 3 janvier une bataille indécise où les Allemands se crurent vaincus, mais l’armée française ne put quitter l’abri des places du Nord.

De même, la diversion tentée dans l’Est demeurait inefficace. Après une série de combats à Villersexel, à Héricourt, à Dijon, l’armée française dut se replier sur Besançon. Accablée de revers, affaiblie par un hiver terrible, elle fut rejetée en Suisse à la fin de janvier.